Classe Typhoon - Projet 941 Akula

(1981 - 2023)

  • Période service : 1981 – 2023
  • Bureau d’études : Rubin
  • Prévu : 8
  • Réalisés : 66
  • En service : 0
  • Perdu : 0
  • Propulsion : Nucléaire
  • Hélice : 2 x 7 pales
  • Longueur : 170 – 173 m
  • Maître-bau : 23,3 m
  • Déplacement S/P : 23.200 / 48.000 t
  • Profondeur : 500 m
  • Vitesse surface : 14 nds
  • Vitesse plongée : 28 nds
  • Equipage : 160
  • Armement : Torpilles, missiles (AN, AE, C, B)

Le Projet Typhoon a été conçu pour répondre à la Classe Ohio de l’US Navy (et ses missiles Trident) et le bureau d’études Rubin a été chargé du Projet en 1972. C’est Brejnev en personne qui l’avait annoncé au XXVIe Congrès du Parti Communiste « Les Américains viennent de lancer leurs sous-marins Ohio et leur missiles Trident ! Nous leur répondrons avec notre Typhoon ! ».

Il y eut plusieurs études dont une qui présentait les missiles sur deux lignes et sur une seule et même coque. Le problème, c’était que cela aboutissait à un sous-marin dont la longueur aurait dépassé 235 m, ce qui aurait été incompatible avec les installations portuaires. On a donc opté pour un autre Projet, plus raisonnable avec ses 170 m, mais en innovant avec une structure à deux coques parallèles et en plaçant les silos missiles entre ces deux coques.

Long de 172,8 mètres, le sous-marin nucléaire lourd Typhoon affiche un déplacement de 49.800 tonnes. Un record ! La taille de ce sous-marin, haut comme une maison de huit étages (23,3 m), s’explique par les gabarits des missiles dont il est armé : 20 missiles balistiques intercontinentaux à trois étages R-39 Variant (RSM-52 – Système D-19) d’une portée de plus de 8.300 km équipés de dix ogives à guidage individuel d’une puissance de 200 kilotonnes. Un squale grimaçant et s’enroulant autour d’un trident, représenté sous la ligne de flottaison du premier submersible du Projet 941, a valu le surnom d’Akula (Requin en russe) à l’ensemble de la série. Les missiles R-39 à combustible solide sont deux fois plus longs et trois fois plus lourds que leurs concurrents américains Trident qui équipent les sous-marins de la Classe Ohio. Chaque missile R-39 pèse 90,1 tonnes. Une particularité du sous-marin est la présence de cinq coques solides dans la coque extérieure. Les constructeurs soviétiques ont été les premiers au monde à installer des missiles entre les deux coques intérieures principales (comme sur un catamaran).

Il est entièrement recouvert de tuiles épaisses (faites de céramique et de caoutchouc) sur ses 170 mètres de long, qui peuvent faire de 100 à 200 mm d’épaisseur. On s’apercevra de l’épaisseur de ce revêtement lors du démantèlement des trois premiers des six exemplaires construits. Mais le Typhoon, comme ses prédécesseurs, n’était pas si discret que ça, même avec ses deux hélices à sept pales, pourtant carénées. Celles-ci, grossièrement dessinées et usinées, contribuaient à ruiner le silence qu’apportait le revêtement épais de sa coque. Il était également doté de deux chambres de sauvetage (une dans chaque coque) qui permettait d’évacuer la totalité des 160 hommes d’équipage. L’équipage bénéficiait à bord de deux petites piscines, d’une salle de repos avec TV, d’une salle de sport, d’une salle UV, un fumoir, d’un sauna, d’une boutique et d’une volière. Un vrai palace !

Au début des années 90, il a également été proposé de reconstruire certains sous-marins de la Classe Typhoon pour les utiliser comme des cargos sous-marins, afin d’expédier du pétrole, du gaz et des marchandises sous la glace polaire vers les vastes territoires du nord de la Russie (il était capable de percer une épaisseur de glace de 2,5 m). Les sous-marins pourraient embarquer jusqu’à 10.000 tonnes de cargaison et la transiter sous la glace polaire à des pétroliers en attente dans la mer de Barents. Ce type de projet a été abandonné (on y reviendra plus tard).

A l’heure actuelle, le TK-208 Dmitri Donskoï est le seul sous-marin du Projet toujours en service. Il a été modernisé pour lancer les missiles balistiques Boulava (Projet 941U suspendu en 1996, puis repris sous le nom de Projet 941UM). En 2021, l’Agence TASS annonce qu’il ne devrait pas être retiré du service avant 2026 (jusqu’à épuisement de son combustible nucléaire). Aujourd’hui, sa seule vocation est d’expérimenter de nouveaux systèmes pour les futures générations de sous-marins. Finalement, TASS a annoncé son déclassement en février 2023. La fin d’une légende !

Sous-marins de la classe Typhoon (Projet 941) de gauche à droite : TK-202, TK-208 Dmitriy Donskoy, TK-12 Simbirsk, TK-13 et TK-17 Arkhangelsk, à la base navale de Zapadnaya Litsa.
1ère photo prise par le satellite américain KH-9 Hexagon prise le 10 octobre 1982
Maquette au 1/10ème utilisée pour les essais (Photo Kirill Ivanov)
Maquette au 1/10ème utilisée pour les essais (Photo Kirill Ivanov)
Illustration Richard W. Stirn

Un intérieur luxueux

L’accident du fer à repasser

On ne déplore, à notre connaissance, qu’un seul accident à bord, sur le K-17 Arkhangelsk. Le 27 septembre 1991 lors d’un exercice de lancement missile, ce dernier est resté bloqué dans le silo et a explosé. Les dommages ont été annoncés comme « mineurs », bien qu’il y ait eu des blessés. Le Chef d’état-major de la flottille de la mer Blanche, l’Amiral Pakhomov, déclarait : « Le 27 septembre, le Commandant d’un sous-marin stratégique en mission de routine entre Severodvinsk et l’île de Jijguine, a observé un début incendie sur le pont avant. Dans le silo d’un missile balistique, le combustible solide avait pris feu, provoquant une explosion qui arracha le couvercle du silo et projetant sur le pont une masse de matériaux enflammés. Un ordre de plongée fut donné, ce qui éteignit l’incendie…

Il n’y eut ni jet d’avarie, ni rejet à la mer de composants nucléaires, ni victimes parmi l’équipage. Le Commandant en chef de la Flotte a nommé une commission d’enquête ».

La banalité de ce communiqué a achevé d’effrayer la population ! Quand le chef de l’administration de la ville voisine d’Arkhangelsk, Pavel Balakchine tenta d’obtenir des informations supplémentaires en contactant le Commandant en chef de la Flotte lui-même, l’Amiral Tchernavine lui répondit « Des foutaises ! Vous ne me dérangez quand même pas lorsque votre fer à repasser est en panne ! » Un fer à repasser porteur de 18 missiles RSM-52 dotés chacun de dix ogives de 200 kilotonnes (à titre de comparaison, la puissance de la bombe d’Hiroshima était de 20 kt seulement…

K-17 Arkhangelsk endommagé
Vladimir Poutine passant en revue l’équipage du K-17 Arkhangelsk. Il invitera l’équipage pour son 57ème anniversaire

Problèmes logistiques de taille

Construire un sous-marin de cette taille est une chose. Mais en assurer la logistique en est une autre !  Des moyens astronomiques ont été utilisés pour l’infrastructure de ce beau jouet. Les missiles lourds de 90 tonnes ont été livrés entièrement assemblés et ne pouvaient être transportés que sur des rails. Dans la première moitié des années 80, le chemin de fer Nyal-Zaozersk (Zapadnaya Litsa), long de plus de 40 kilomètres, a été construit spécifiquement pour les transporter de la région de Mourmansk. Aujourd’hui, ce tronçon a été démonté. Le poids prohibitif du R-39 a posé un autre problème aux commandants navals – aucune des grues disponibles à la marine ne pouvait soulever la fusée. 

Pour recharger les Akula les concepteurs ont conçu une grue à double portique d’une capacité de levage de 125 tonnes. L’un d’eux a été installé à la base technique des missiles de la base navale de Belomorskaya à Severodvinsk, le second à la base navale permanente à Zapadnaya Litsa. Pour transporter et charger des missiles dans les puits des sous-marins, au début des années 1980, un navire spécial a été construit, l’Alexander Brykin avec un déplacement total de 16.000 tonnes. U

ne autre structure coûteuse créée est le quai flottant PD-50, construit en 1980 sur ordre de la marine soviétique en Suède. Jusqu’à présent, il est considéré comme l’un des plus grands au monde.

Le ravitailleur de missiles Alexander Brykin

Percer la glace épaisse ? Pas si sûr !

On pense que la taille record des Typhoon avait ses avantages. En particulier, lorsqu’il devrait faire surface à de hautes latitudes polaires, le sous-marin n’avait pas besoin de chercher de polynies, mais pourrait la glace avec une coque puissante. On lui prêtait la capacité de briser plus de 2,5 m d’épaisseur de glace. En fait, la vérité est un peu différente. En 1990, le TK-202 a fait plus de dix tentatives pour percer à la surface à travers une coque de glace solide, et toutes n’ont pas abouti. Lors d’une dernière tentative infructueuse, une erreur sur l’équilibrage d’un ballast a entrainé une plongée accidentelle à 250 m avec un angle de 30°. Comme le rappellent les participants à cette campagne expérimentale, le surfaçage a eu lieu au bord d’une faille, le navire consommait rapidement des réserves d’air comprimé. Et de retour à la base, de nombreux dommages à la coque légère, au carénage fibré du dôme, aux dispositifs rétractables et aux équipements extérieurs (trappes missiles coincées) ont été constatés.

En attendant et à défaut de percer l’épaisseur de glace avec facilité, les Russes préparent le terrain en lançant des torpilles vers la surface ou en plaçant des explosifs sous-marins. En mars 2021, lors de l’opération UMKA21, les sous-marins présents (2 x 667BDRM et 955A pour un total de 48 missiles balistiques) auraient percé 1,5 m de glace sans dommage (voir vidéo ci-dessous).

Le massif du TK-20 après une collision avec la glace en 1996

Projet de Musée

Le TK-207 Dmitri Donskoi doit être déclassé en 2026 et l’État russe pense le convertir en musée. Décidemment, tout ce qui concerne ce sous-marin reste dans la démesure !

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