Classe Rubis
(1983 - )
- Etudes : 1967 – 1970)
- Période service : 1983 –
- Prévu : 8
- Réalisés : 6
- En service : 3
- Perdu : 0
- Propulsion : Nucléaire
- Hélice : 1 x 7 pales (avec stators après refonte)
- Longueur : 73,6 m
- Maître-bau : 7,6 m
- Déplacement S/P : 2.385 / 2.670 t
- Profondeur : 300 m
- Vitesse surface : ?
- Vitesse plongée : 25 nds
- Equipage : 57 – 68
- Armement : Torpilles, missiles (C, AN)
Le titre de sous-marin militaire le plus compact du monde appartient aux sous-marins d’attaque français Rubis. Longue de 73,6 mètres et large de seulement 8 mètres, la première unité a été mise au service actif le 15 septembre 1988. Les études datent du début des années 70 (après trois années de reports successifs) quand on décida de développer des Agosta à propulsion nucléaire. Le besoin militaire aboutissait à un bâtiment de 4.500 tonnes, mais on a revu les plans à la baisse, d’autant qu’à cette époque, beaucoup donnaient à ce bateau un rôle limité à former les futurs équipages des SNLE ! On a ensuite songé à un SNA Simplifié (SNAS 69) qui n’avait de nucléaire que la propulsion (et pas la régénération globale de l’atmosphère). Abandonné également au profit du projet SNA 72. La Classe devait à l’origine s’appeler « Classe Provence et les unités suivantes Bretagne et Bourgogne » avant que le Président Valéry Giscard d’Estaing en décide autrement.
Dans le même temps, ces petits submersibles ne sont pas si inoffensifs qu’on pourrait le croire. Chaque Rubis est équipé de quatorze torpilles de 550 mm et peut emporter des missiles de croisière Exocet. Son réacteur nucléaire lui permet de rester en mission autonome entre 45 et 60 jours et la structure de ses compartiments lui permet de rendre la vie à bord relativement confortable pour son équipage de 57 personnes.
La forme de coque des Rubis des premières unités n’était pas assez profilée et entraînait des perturbations sonores qui perturbaient le sonar à grande vitesse. Il a donc été décidé de procéder à une refonte dite AMETHYSTE (AMElioration Tactique HYdrodynamique, Silence Transmission, Ecoute) à partir du 5e bâtiment. Les quatre premiers ont été refondus à ce standard entre 1989 et 1995 avec l’adoption d’une coque dite « albacore » qui la fait passer de 72 à 73,6 m, un pont passerelle enveloppant et un dôme sonar profilé.
Selon les unités, la forme de la gouverne diffère légèrement. Chez le Rubis, Emeraude et Casabianca, le pan est horizontal et chez l’Améthyste, Perle et Saphir, elle plonge vers le bas. Le Casabianca dispose d’un radar sur le massif entre les deux barres de plongée (voir ci-contre).
En 1987, La Marine canadienne a, à un moment, envisagé de construire une flotte de douze navires de cette Classe grâce à un transfert de technologie. La version, basée sur la refonte AMTHYSTE, devait être allongée de 6,05 m et alourdie de 220 tonnes pour lui permettre de briser la glace. On passait également à six tubes lance-torpilles au lieu de quatre. Le Projet (SNA72) a été abandonné en 1989 pour des raisons budgétaires.
On a même envisagé de créer un dérivé à propulsion diesel ou AIP (mais non nucléaire) de la Classe Rubis destiné à l’exportation. Il aurait porté le nom de Classe Turquoise. Le projet est resté dans les cartons.
Au cours des manœuvres interalliées de Péan de 1998, le Casabianca a réussi à « couler » l’ USS Eisenhower et son croiseur d’ escorte de classe Ticonderoga. Plus tard, au cours d’un entraînement conjoint avec l’US Navy au large de la Floride début 2015, le Saphir a virtuellement coulé le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt et son escorte de destroyers ainsi qu’un sous-marin nucléaire d’attaque de Classe Los Angeles. En 2009, l’Emeraude participe à la recherche des boites noires de l’Airbus disparu (Vol AF 447 Rio de Janeiro-Paris). Moins glorieux, en mars 1994 l’Améthyste racle le fond au large du Cap Ferrat et le 30 mars 2007, le Rubis fait de même au large des côtes varoises…
La Classe est en cours de remplacement par la Classe Suffren . Mais le retard de son successeur a obligé la marine française de prolonger les unités existantes plus longtemps que prévu.
Le magnifique film français « le Chant du Loup » a été tourné en partie à bord du Rubis (Le Titane dans le film).
Accident à bord de l’Emeraude
Nous sommes le 30 avril 1994, le sous-marin d’attaque français Emeraude participe à des exercices au large de Toulon. Il subit une avarie. En refaisant surface en catastrophe, une fuite de vapeur en salle des turbines tue le commandant et neuf marins.
C’est une suite de réactions qui a provoqué la catastrophe. Lors d’une inspection, une entrée d’eau est détectée dans le fond du compartiment sur le collecteur de refroidissement du condenseur vapeur. Elle est immédiatement notifiée par haut-parleur. L’équipage, parfaitement entraîné, actionne les fermetures d’urgence dont, bien sûr, celle du fameux collecteur et en même temps envoient toute la puissance pour remonter rapidement. Mais l’arrivée de la vapeur dans le condenseur non refroidi provoque l’éclatement d’une tape (clapet) prévue pour ce genre de situation.
Dix des onze marins se précipitent à l’arrière du compartiment et se retrouvent dans l’impossibilité d’ouvrir la lourde porte blindée à cause de l’assiette prise par le navire. Ils restent coincés devant la porte et sont ébouillantés. Le onzième homme a le réflexe de se précipiter à l’avant du compartiment en restant à terre, protégé par un renfoncement dans la coursive. Une fois en surface l’infirmier fera tout son possible pour les blessés mais hélas tous périront dans les minutes qui suivront.
Opérations militaires et exfiltrations
Lors de la guerre du Kosovo en 1999, trois bâtiments (l’Améthyste, l’Emeraude et le Saphir) ont été sollicité afin de maintenir une présence permanente en Adriatique.
On apprendra aussi que quatre unités ont été engagées dans l’opération libyenne en 2011, dont un à deux reprises. C’est la raison pour laquelle les SNA n’ont pas pu être déployés dans l’Atlantique durant quatre mois, comme l’avait confié le chef d’état-major de la marine aux députés. Avec un taux de disponibilité de 60 %, la Marine dispose en permanence de trois ou quatre SNA. En fait, toute la flotte disponible a été essentiellement engagée en Libye. Les opérations ont débuté fin février – avant le déclenchement de la guerre – et se sont achevées le 25 octobre de cette même année. Les sous-marins français ont été engagés durant huit mois, soit avant le feu vert de l’ONU qui décida l’intervention aérienne. Le premier est parti dès la fin février collecter le renseignement préalable à la décision de lancer les premières frappes sur les colonnes kadhafistes à Benghazi, le 19 mars.
S’il est besoin de donner un exemple concret du rôle des SNA (ou SSK) français dans les opérations secrètes, n’oublions pas que c’est le Rubis qui est allé récupérer les agents de la DGSE en juillet 1985, après que ces hommes de l’ombre aient fourni aux faux époux Turenge les explosifs et matériel de plongée pour faire couler le Rainbow Warrior de Greenpeace.
Un sous-marin pour le 14 juillet !
Il n’est pas sûr que le 14 juillet 2014 reste un bon souvenir pour l’équipage du sous-marin nucléaire d’attaque la Perle. Afin de réaliser un « direct » pour TF1, la Perle, qui naviguait en Atlantique, a dû rebrousser chemin. Direction Toulon, pleine vitesse à 200 mètres de fond. Il lui fallait accoster le 13 à son port base varois, pour accueillir l’équipe de Louis Bodin, présentateur météo de la chaîne. Cette année, la défense a décidé de « vendre » l’image de sa force sous-marine. C’est son outil le plus coûteux, pilier de la dissuasion et de l’autonomie stratégique du pays. Un des plus lourds investissements de la loi de programmation militaire 2014-2019. A bord de la Perle, l’information est tombée le 9 juillet, comme une mauvaise nouvelle. Car l’ordre de rallier le port d’attache est arrivé deux jours avant une escale à Rota, base de l’OTAN en Espagne : annulée, l’escale très attendue de la mission. A 8 h 30, après la réception des messages de la nuit, le commandant a annoncé au micro interne : « On ne va pas aller à Rota. Et on va passer sur TF1. » « A deux jours du bol de sangria ! », ont réagi des membres de l’équipage, dépités.
Dans la petite cafétéria du sous-marin, les critiques ont fusé. « On n’est pas là pour trimballer des VIP ! » « Ils pensent attirer les jeunes, avec leur communication à deux balles ? Ils découragent ceux qui se sont engagés ! » Les 75 hommes ne pensaient plus voir remis en cause ces quatre jours de repos à l’hôtel, en baie de Cadix. Pour eux, l’escale est une reconnaissance du travail accompli. Beaucoup avaient prévu de faire venir leurs épouses. « Si encore on avait annulé pour une raison opérationnelle », a résumé un des marins. « SNA : sous-marin nucléaire d’accueil », a ironisé un autre. Le bateau a reçu l’ordre de se mettre « en tenue de représentation ». Il a été repeint, comme cela se fait en de telles occasions. Sur l’air de Si tu vas à Rio, ce 9 juillet, un troisième a improvisé une chanson qui n’a pas réussi à détendre l’atmosphère : « Si tu vas à Toulon/N’oublie pas de monter au Faron/Tu ne feras pas d’escale/Tu verras Claire Chazal/Et tu passeras pour un con. ». Source Le Monde.
L’incendie de la Perle
Le 12 juin 2020, alors que la Perle est en IPER à la base de Toulon, un incendie se déclare à l’intérieur du sous-marin dans un endroit difficilement accessible du pont avant inférieur. La quarantaine de techniciens se trouvant dans le bâtiment est évacuée saine et sauve et il faudra près de 14 heures à la centaine de pompiers pour éteindre l’incendie lié vraisemblablement à la combustion d’une feuille plastifiée sous un éclairage. Par chance, le réacteur, le combustible nucléaire et les batteries avaient été enlevés lors de l’opération de maintenance. Les dégâts semblent être considérables et il n’est pas certain que la Perle puisse être remise en l’état. Tout dépendra des dégâts que la chaleur aurait pu engendrer sur la coque. En revanche, la partie arrière est intacte et sa propulsion peut encore servir une dizaine d’années. En octobre 2020, il est décidé de « rabouter » la Perle, en utilisant la partie avant d’un autre SNA désarmé, le Saphir (juillet 2019). Le coût de l’opération est de 130 M€, dont 50 M€ à la charge de Naval Group (enfin, de son assurance).
Il s’agit de travaux longs et coûteux qui débuteront en janvier 2021 (avec une jonction des deux coques en juin 2021), mais qui permettront de maintenir en service une flotte de cinq SNA (4 Rubis et 1 Suffren). Un sérieux coup dur pour la Marine Nationale en attendant la livraison des autres unités de la Classe Suffren. La remise en service est prévue pour 2023. Pour ce projet, il a fallu créer ou mettre à jour plus de 2000 plans et documents. Environ 30% des installations du SNA Perle seront affectées par cette hybridation, il faudra reconnecter 120 câbles électriques et souder 60 collecteurs. Ce qui suppose, au total, plus de 250.000 heures de travail, en plus des 100.000 heures d’études qu’il a fallu auparavant mener. Le résultat de cette fusion donnera lieu à un rallongement de sa coque (1,49 m) et un surplus de 68 tonnes, de quoi améliorer les aménagements intérieurs, notamment une nouvelle cambuse plus spacieuse.
Alors que la Perle termine son IPER, le 26 septembre 2022, un nouvel incendie se déclare dans l’espace réservé au stockage des denrées alimentaires. La combustion est rapidement maîtrisée et aucun blessé n’est à déploré. Mais ça commence à faire beaucoup !