Classe Victor I, II, III - Projet 671

(1967 - )

Mise à jour 19 octobre 2024

  • Période service : 1967 –
  • Bureau d’études : Malakhit
  • Prévu : 48
  • Réalisés : 48
  • En service : 2
  • Perdu : 1
  • Propulsion : Nucléaire
  • Hélice : 1 x 5 pales (contre-rotatives (2×4) sur certains Victor III) + 2 latérales à 2 pales
  • Longueur :
    Victor I (971): 92,5 (95 ?) m
    Victor II (971RT): 102 m
    Victor III (971RTM) : 106,10 – 107,1 m
  • Maître-bau : 10,7 m
  • Déplacement S/P :
    Victor I (971) : 3.500 – 4.690 t
    Victor II (971RT) : 4.245 – 5.480 t
    Victor III (971RTM) : 4.780 – 6.990 t
  • Profondeur : 400 m
  • Vitesse surface : 11,5 nds
  • Vitesse plongée : 32 nds
  • Equipage : 92 – 100
  • Armement : Torpilles (Shkval), mines, missiles (?)
Victor III (Projet 671RTM)

La Classe Victor est le code OTAN pour un sous-marin nucléaire d’attaque à double coque qui a été initialement mis en service par l’Union Soviétique en novembre 1967 (le projet avait été approuvé dès 1960 et la construction débutée en 1963). La désignation soviétique était Projet 671 pour les premiers navires, Projet 671RT pour la seconde version et Projet 671RTM / 671RTMK pour la troisième.

Les sous-marins de la Classe Victor avaient la forme d’une goutte d’eau qui leur permettait de naviguer à grande vitesse. Ces navires étaient principalement conçus pour protéger les flottes de surface soviétiques et pour attaquer les sous- marins américains équipés de missiles balistiques. Le Projet 671 a débuté en 1959 et la tâche de conception a été confiée au bureau d’étude SKB-143. Ce bureau était l’un des deux prédécesseurs (l’autre étant OKB-16) du célèbre bureau de conception centrale de Malakhit, qui deviendra l’un des trois centres de conception de sous-marins soviéto-russes, avec Rubin Design Bureau et Lazurit Central Design Bureau.

K-417 (Victor II) au pôle nord en septembre 1981
K-38 (Victor I) en 1967
Radiy Anatolyevich Shmakov (1930-2021), concepteur en chef des bateaux de 2ème génération 671RT - 671RTM au musée Malakhit en 2021
Classe Victor au Musée Malakhit en 2021

Description des Classes

Classe Victor I

Type initial (Projet 671 Yorsh (Grémille) ou Ruff) : Entré en service en 1967. Seize unités ont été construites. Les sous-marins de Classe Victor I, d’une longueur de 92,5 mètres, d’un maître-bau de dix mètres et d’un tirant d’eau de sept mètres, sont dotés de six tubes lance-torpilles Type 53/missiles de croisière SS-N-15 ou encore de mines. Les sous-marins pouvaient embarquer jusqu’à 24 missiles/torpilles ou 48 mines (une combinaison des deux exigeait moins de chaque). Tous ont été retirés du service de la Marine soviétique. Deux unités (K-147 et K-438) ont été équipés de capteurs SOKS pour suivre le sillage de leurs adversaires.

La version pour la flotte du pacifique (trois unités), équipée de missiles 81R RPK-2 Vyuga était estampillée 671V et l’unique sous-marin (K-323) équipé de missiles anti-sous-marins RK-55 Granat, a été identifiée comme 671K. Le Projet 671M ne concerne que le K-398 qui a été modifié pour lancer la torpille 65-76.

Un projet général de modernisation (Projet 6717) consistait à faire évoluer tous les 671 en 671K. Il a été également abandonné.

Un dernier projet de 4.000 t (donc plus petit que le Victor I), dérivé du 671 était le Projet 671B (ou Projet 679). Il disposait du système d’armes D-5 avec six missiles R-29. Également abandonné.

Victor I (Projet 671 Yorsh)
Victor I (Projet 671 Yorsh)
Victor I (Projet 671 Yorsh)
Projet 671B ou 679
Classe Victor II

Projet 671RT Syomga (Saumon atlantique) ou Salga : Après des études de conception achevées dès 1964, il est entré en service en 1972. Il mesure 4,8 m de plus que la version initiale et sa vitesse réduite d’un nœud. Sept unités ont été construites dans les années 1970. Initialement connue sous le code OTAN « Classe Uniform ». Leur armement est similaire à celui de la Classe Victor I. Le premier sous-marin du projet, le K-387, a été doté d’une double hélice à 5 pales (contre-rotative). la classe 671RT se distinguait de la classe 671 par la réduction du niveau de bruit rayonné sur tout le spectre de fréquence (Source Soumarsov). Après que l’Union soviétique eut découvert à travers son réseau d’espionnage que les Américains pouvaient facilement suivre les sous-marins de Classe Victor II, la production d’unités de cette variante a été arrêtée pour concevoir la Classe Victor III. Tous ont été retirés du service.

Victor II (Projet 671RT)
Victor II (Projet 671RT)
Victor II (Projet 671RT)
Classe Victor III

Projet 671RTM Shchuka (Brochet) parfois avec le code « Pike » ou sous-Projet 6713 – Entré en service en 1979. 25 unités ont été produites jusqu’en 1991. Ils s’avèrent être plus furtifs que leurs prédécesseurs avec notamment des hélices contre-rotatives (2 x 4 pales). Sa longueur passe à 106,1 m (107,1 m pour le K-387). Deux tubes pour le lancement de missiles SS-N-21/SS-N-15 et quatre tubes pour le lancement de missiles SS-N-16. Jusqu’à 24 missiles/torpilles et 36 mines pouvaient être embarqués. Leur coque légère était renforcée pour mieux percer la croute de glace. 23 des 26 unités ont été retirées du service. La version 671RTMK était équipée de missiles de croisière stratégiques. Deux restent en service dans la Marine russe dont le Tambov (B-448) qui a été modernisé en 2022.

L’ajout d’un dispositif sur la gouverne supérieure du sous-marin attira la curiosité des services de renseignements de l’OTAN. On découvrira qu’il s’agissait d’un logement hydrodynamique pour une antenne sonar passive remorquable. Le système sera ensuite réincorporé dans les Classes Sierra et Akula. Les dernières unités de cette Classe étaient ainsi dotées d’une meilleure performance sonar/acoustique.

Le nombre d'étoile symbolise les traversées sans avoir été détecté (Victor III - Projet 671RTM)
Victor III - Projet 671 RTMK (Musée du Club de la Marine de Sébastopol)
Victor III (Projet 671RTM) - Source Saturnax
Victor III (Projet 671RTM)
Victor III (Projet 671RTM)
Victor III (Projet 671RTM)
Victor III (Projet 671RTM)
Projet 671RTM (l'intérieur de la bête))
Victor III - Volk (K-461)
La variante “surprise”

Dernière variante découverte en 2019, un Victor III doté de missiles nucléaires. C’est ce que voudrait nous faire croire le réalisateur Antonin Baudry dans son film « Le chant du loup » quand l’oreille d’or Chanteraide arrive à identifier un sous-marin à quatre pales du nom de Timour III (en réalité, deux hélices bi-pales).

C’est bien sûr une fiction. Ce qui est dommage, c’est qu’au début du film, on aperçoit ce fameux Timour III sous l’eau et qu’il prend l’allure d’un Classe Delta, qui lui, est un véritable SSBN.

- « C’est un 4 pales » - « Mais il n’y en a pas de sous-marins à 4 pales ! »
Projet 671 en construction et baché à la vue des satellites américains
Projet 671V (Victor I - K-454)

Accidents et incidents notables

  • Le 18 octobre 1976, à bord du K-387 (Victor III), le marin Leonid Ryabinin meurt dans l’exercice de ses fonctions militaires, éliminant un accident sur un sous-marin nucléaire. Le navire était en mer lorsqu’il y avait une menace de court-circuit et d’incendie. Leonid a été le premier à être sur place. À une température de 210 degrés, de la vapeur a commencé à s’écouler dans le compartiment. En essayant de fermer la conduite de vapeur, Leonid a commencé à faire tourner le volant rouge de la vanne. L’eau bouillante a brûlé 87% de la peau du sous-marin, mais le marin Ryabinin a pu couper la section endommagée de la ligne de vapeur du reste du bateau et sauvé l’équipage au prix de sa propre vie. Le 18 octobre 2006, par décret du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine « Pour le courage et le dévouement manifestés dans l’exercice de ses fonctions militaires, Leonid Ryabinin a reçu l’Ordre du courage (à titre posthume) ». En 2007, l’école navale n ° 2 a été nommée en l’honneur de ce héros.

  • En 1981, l’USS Drum de l’United States Navy entre en collision avec un sous-marin de Classe Victor III (K-324). L’événement n’a jamais été rendu public, alors qu’il a coûté la vie à un des membres d’équipage du Drum.

  • Le 31 octobre 1983, à 282 miles à l’ouest des Bermudes, le même K-324 (Victor III) croise le l’antenne linéaire remorquée sonar de la corvette USS McCloy endommageant au passage son hélice. Les Américains tentèrent de récupérer leur bien, sans succès, le Russe menaçant de se faire exploser. Escorté par un navire soviétique, le sous-marin est obligé de se réfugier au chantier naval de Cienfuegos, à Cuba, pour y être réparé à partir du 5 novembre. On retrouvera des morceaux du sonar dans les bouts de câble sectionnés autour de l’hélice.

  • Le 21 mars 1984, le K-314 (Victor I) entre en collision avec le porte-avions USS Kitty Hawk en mer du Japon. À la suite de la collision, l’hélice du sous-marin soviétique a été lourdement endommagée. Le porte-avions avait un énorme trou à l’avant provoquant le déversement de plusieurs milliers de tonnes de kérosène dans la mer. Par pur miracle, il n’a pas explosé. Le K-314 a été remorqué jusqu’à la base navale soviétique la plus proche, escorté par une frégate américaine sur une partie du chemin. Pour le porte-avions, les exercices Team Spirit étaient terminés. Il s’est ensuite lentement rendu au port japonais de Yokosuka pour y être réparé. Les Américains ont accusé le Capitaine de sous-marin soviétique d’être responsable de l’incident, et le commandement naval de l’Union soviétique a soutenu cette version. Vladimir Evseïenko a été suspendu de son poste de Capitaine et a poursuivi son service sur terre.

  • 10 août 1984 : Explosion du réacteur nucléaire du Victor K-314 lors de sa recharge dans la baie de Chazhma, dans la région de Primorye, près de Vladivostok. Dix hommes d’équipage meurent sur le coup. Entre 260 et 290 personnes sont irradiées (irradiation aiguë pour 39 personnes) et la maladie du rayonnement est développée par 10 personnes. Plus de 100.000 curies de radioactivité furent mesurés alentour et il fallut plus de deux heures pour éteindre l’incendie. Un vaste secteur reste non dépollué et est toujours ouvert aux activités humaines. Les 2.000 habitants de la baie n’ont jamais été évacués. Le sous-marin et ses matériaux radioactifs reposent toujours au fond de la baie, sous plusieurs mètres de sédiments.

  • Le 18 septembre 1984, le K-53 (Victor I) entre en collision avec le cargo soviétique Brotherhood dans le détroit de Gibraltar.

  • Le 26 janvier 1998, un accident à bord d’un sous-marin russe Chtchouka de Classe Victor dans la base arctique de Listafjord (péninsule de Kola) provoque un dégagement de fumée toxique qui tue un officier et intoxique quatre marins. Pas de fuite radioactive.

  • Le 6 septembre 2006, le K-414 Daniil Moskovski est victime d’un incendie alors qu’il se trouvait en mer de Barents tuant deux membres de l’équipage. Le navire a dû être remorqué à Vidiaïevo.
Cérémonie en l'honneur du marin Ryabinin (K-387)
K-324 enrayé par l'ALR de l'USS Mc Cloy
K-324 enrayé par l'ALR de l'USS Mc Cloy
K-324 enrayé par l'ALR de l'USS Mc Cloy
Le K-314 après sa collision avec le porte-avion américain
Le K-53 après sa collision avec le cargo soviétique Brotherhood
Le K-53 après sa collision avec le cargo soviétique Brotherhood

Opérations Aport et Atrina

L’heure de gloire pour les sous-marins du Projet 671 RTM a certainement été la participation aux opérations de grande envergure Aport et Atrina, menées dans l’Atlantique par les forces de la 33e Division. Elles mirent en panique les Etats-Unis en leur faisant comprendre qu’ils pouvaient déjouer leurs défenses.

Le 29 mai 1985, trois unités du Projet 671 RTM (K-299, K-324 et K-502), ainsi que K-488 (Projet 671 RT), ont quitté simultanément Zapadnaya Litsa. Un peu plus tard, K-147 (Projet 671) les a rejoints. L’entrée dans l’océan de tout une flotte de sous-marins nucléaires ne pouvait pas passer inaperçue pour les renseignements navals américains. Une recherche intensive a été lancée, mais sans obtenir les résultats attendus. Dans le même temps, les sous-marins nucléaires soviétiques, en toute discrétion, ont eux-mêmes effectué un travail intense pour suivre les sous-marins lance-missiles américains dans leurs zones de patrouille de combat (en particulier, le K-324 a eu trois contacts sonar avec un sous-marin nucléaire américain sur une durée totale de 28 heures), et a également étudié les tactiques de l’aviation anti-sous-marine de l’US Navy. Les Américains ont réussi à établir le contact uniquement avec le K-488 (qui rentrait déjà à la base). L’opération Aport s’est terminée le 1er juillet.

En mars-juin 1987, les Soviétiques lancent l’opération Atrina. Le scénario est imaginé par l’amiral Vladimir Tchernavin, tout juste promu commandant en chef des forces navales soviétiques – fonction pour la première fois occupée par un sous-marinier. Cinq unités du Projet 671 RTM y participent (K-244, K-255, K-299 et K-524). Tous (contrairement à Aport) sont équipés du complexe de missiles Granat capable de mettre en œuvre des missiles de croisière 3M10. Autrement dit, ils rentrent dans une logique de dissuasion stratégique., Ils sont soutenus par des avions de l’aviation navale, ainsi que par deux navires de reconnaissance. L’aire retenue pour le déploiement des sous-marins se situe 1.500 milles nautiques plus au sud, soit dans des eaux plus chaudes que celles de l’opération Aport. Les Américains notent le départ des sous-marins de la base de Zapadnaya Litsa, mais les perdent dans l’Atlantique Nord. Pratiquement toutes les forces anti-sous-marines de la flotte américaine de l’Atlantique prennent part à la chasse – avions de pont et basés sur les côtes, six sous-marins nucléaires anti-sous-marins (en plus des bateaux déjà déployés par l’US Navy dans l’Atlantique), trois puissants groupes de recherche navale, ainsi que trois navires d’observation hydroacoustiques à la pointe de la technologie du type Stolworth, qui utilisent de puissantes explosions sous-marines pour générer des impulsions hydroacoustiques. Les navires de la flotte britannique se joignent à l’opération de recherche. Selon les récits des commandants des bateaux soviétiques, la concentration des forces anti-sous-marines était telle qu’il semblait presque impossible de remonter à la surface pour les communications radio ou pour renouveler l’air. Les sous-marins soviétiques réussissent à passer inaperçus dans la région de la mer des Sargasses, où ils finissent finalement par être découverts. Les Américains ont réussi à établir les premiers contacts avec des sous-marins huit jours seulement après le début de l’opération Atrina. Dans le même temps, les sous-marins nucléaires du Projet 671 RTM ont été pris pour des SNLE (ce qu’ils ne sont pas), ce qui a encore ajouté à l’inquiétude du commandement naval américain et remis en cause le leadership politique des États-Unis. Lors du retour à la base pour se dégager des armes anti-sous-marines américaines, les commandants de sous-marins ont été autorisés à utiliser des contre-mesures hydroacoustiques jusqu’alors secrètes.

Le succès des opérations Aport et Atrina a confirmé l’hypothèse selon laquelle la marine américaine n’était plus en mesure de lutter efficacement contre une armada de sous-marins nucléaires modernes soviétique et que les contre-mesures n’étaient plus aussi efficaces qu’avant.

L'amiral Vladimir Tchernavin

Evacuation d’un marin du Tambov sur un destroyer britannique (HMS Glasgow)

En 1996, le Tambov (671RTMK) surveillait en secret une manœuvre navale de l’OTAN qui se déroulait dans les eaux britanniques. Personne n’avait détecté sa présence. Un membre de l’équipage du bâtiment étant tombé gravement malade, le commandant russe décida de faire surface au milieu des navires de l’Alliance pour solliciter une évacuation sanitaire. Le marin fut évacué sur le destroyer britannique HMS Glasgow avant d’être héliporté vers un hôpital en Grande-Bretagne.

Le Tambov (B-448)
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