Classe Echo I & II - Projet 659 et 675
(1961 - 1994)
Mise à jour 29 août 2024
- Période service : 1961 – 1994
- Bureau d’études : TsKB 18 (Rubin)
- Prévu : 44
- Réalisés : 44
- En service : 0
- Perdu : 0
- Propulsion : Nucléaire
- Hélice : 2 x 4? pales
- Longueur :
Projet 659 : 111,2 m
Projet 675 : 155 m - Maître-bau : 9,2 m
- Déplacement S/P :
Projet 659 : 3.768 / 4.920 t
Projet 675 : 4.500 / 5.760 t - Profondeur : 300 – 400 m
- Vitesse surface : 14 nds
- Vitesse plongée : 24 nds
- Equipage : 100 – 104
- Armement : Torpilles, missiles (AN, C)
La Classe Echo est le premier sous-marin nucléaire soviétique mis au point spécifiquement pour lancer des missiles de croisière non-balistiques. La désignation soviétique était Projet 659 pour les premiers navires et Projet 675 pour les 39 autres (du second Type). Tous ont été retirés du service de la Marine russe en 1994.
Variation des Projets 659
Projet 659 (Echo I)
Les sous-marins de cette Classe étaient dotés de six lanceurs de missiles de croisière P-5 Pityorka.
Ils ont été construits entre 1960 et 1963 à Komsomolsk-sur-l’Amour et transférés à la Flotte du Pacifique.
Projet 659T
Le Projet 659T (T pour Torpilles) a consisté entre 1966 et 1976 à modifier la superstructure de cinq bâtiments de la Flotte du Pacifique (ils s’allégeaient d’environ 300 tonnes dans l’opération), à installer un nouveau sonar actif et à augmenter la taille de la salle de torpilles.
Ces unités perdaient ainsi la capacité à lancer des missiles de croisière et devenaient ainsi des sous-marins nucléaires d’attaque (SSN) équipés de 20 torpilles de 533 mm et 12 de 400 mm. Ces unités ont été déclassées entre 1985 et 1989.
Projet 659A
Le Projet 659A, abandonnée en 1962, revenait à allonger la coque de 3,8 m pour lui permettre de porter six missiles P-6.
Projet 659R
Une autre version visant à en transformer quelques unités en sous-marins de télécommunications (Projet 659R) n’a pas été retenue.
Variation des Projets 675
Projet 675 (Classe Echo II)
18 unités construites à Severodvinsk pour la Flotte du Nord et 11 construites à Komsomolsk pour la Flotte du Pacifique entre 1962 et 1967 comme sous-marins anti-porte-avions. Les sous-marins de Classe Echo II embarquaient huit missiles anti-navires P-6 (ou P-5D jusqu’en 1965) qu’ils pouvaient tirer dans un espace de 30 minutes. Le premier lancement a eu lieu en 1963, ce qui fait de cette Classe le premier sous-marin lanceur de missiles de croisière. Obsolètes à partir du milieu des années 1980, ils sont progressivement retirés du service entre 1989 et 1995.
Projet 675K
Conversion réalisée à Severodvinsk, impliquant deux unités (K-47 et K-125). Modifications faites dans l’instrumentation de bord. Installation d’un système de désignation d’objectifs à base de données satellitaires Kasatka-B et remplacement du sonar MG-200 par un sonar MGK-100 Kerch.
Projet 675MU
Conversion effectuée à Seversodvinsk uniquement sur K-28. Installation de huit missiles anti-navires P-500 (SS-N-12) à la place des P-6 (SS-N-3), ainsi que d’un nouveau sonar.
Projet 675MK
Conversion de neuf unités (K-23, K-56, K-57, K-184, K-189, K-94, K-175 et K-104). 5.015 t en surface, 6.420 t en plongée. Comme le précédent, il disposait du système de désignation d’objectifs à base de données satellitaires Kasatka-B, mais il était armé de missiles P-500 Bazalt (4K80) de plus grande portée.
Projet 675MKD
Plateforme expérimentale d’essai du missile P-1000 Vulcan.
Projet 675MKV “Kefal”
5.415 t en surface, 6.700 en plongée. Huit missiles P-1000 Vulcan (3M70), avec la conduite de tir ARGON-675MKV, le sonar MGK-100 Kerch, un système SATCP Strela-3M et système de désignation d’objectifs à base de données satellitaires Kasatka-B. Quatre sous-marins modifiés (K-1, K-22, K-35 et K-34). La modification d’un cinquième (K-10) n’a pas été terminée. Cette version a été mise en service à partir de 1985.
Projet 675N ou Projet 6754
Un sous-marin modifié en 1980, le K-86 (K-170). Navire de soutien pour sous-marins miniatures d’eau profonde (X-RAY).
Mis en service en 1967 et puis en 1976 après modification. Il a été déclassé en juin 1991.
Projet 675M
Resté sur papier, il aurait impliqué l’installation d’un réacteur à métal liquide et de dix missiles P-6 (SS-N-3).
Projet 675U
Un sous-marin non identifié, modifié pour les essais du missile antisurface P-6 en flotte du Nord.
Accidents et incidents notables
- La scène se déroule en mer d’Okhotsk, près de Petropavlovsk-Kamchatsky. Le 20 juin 1970, le sous-marin nucléaire Soviétique de Classe Echo II, le K-108 « Black Lila », suit un sous-marin Américain, l’USS Tautog (SSN 639), de la Classe Surgeon. Puis le jeu change de sens, le Sturgeon cherchant ensuite la trace de son adversaire russe à 45 mètres de profondeur. Le jeu du chat et de la souris finit mal : le Tautog est dans le baffle du sous-marin russe, quand un brusque changement de cap du soviétique (manœuvre « Ivan le fou ») provoque la collision entre les deux submersibles. L’Américain arrache au passage une partie du kiosque du russe et les hélices de l’Echo découpent le massif de l’Américain en repassant dessus. Les Américains retrouveront plantés dans leur massif des morceaux de l’hélice du sous-marin adverse. Le massif (réparé) du Tautog a été érigé depuis en monument… Le K-108 restera 8 mois en réparation avant de reprendre la mer.
- 14 juin 1973 : Le K-56 (Echo II) est entré en collision avec le grand chalutier réfrigérant soviétique Akademik Berg. Le sous-marin a été percé à l’avant et 28 personnes sont tuées lors de l’inondation des compartiments I et II. La collision de l’«Akademik Berg» avec le «K-56» a été classée «accident de navigation aux conséquences graves», entraînant la mort de 27 personnes (16 officiers, 5 aspirants, 5 marins et un civil). Sur le lieu de sépulture de 19 marins, au centre du cimetière de la ville de Fokino (ancien village de l’océan Pacifique), a été érigé le mémorial de la « Mère en deuil », et dans son périmètre les membres de l’équipage décédés de causes naturelles. , dont environ 140 personnes ont été sauvées, sont enterrées.
- 28 août 1976 : collision entre le K-22 (Echo II) et la frégate USS Voge (FF-1047) en mer Méditerranée. Le compartiment à missiles no 1 du K-22 est endommagé. Il sera réparé à Kithira en mer Égée. Le pont arrière de la frégate américaine est endommagé et elle a dû être remorquée en Crète.
- 24 septembre 1976 : Dans l’Atlantique Nord, un incendie dû à un court-circuit éclate à bord du K-47 (Echo II) dans le VIIIème compartiment (quartiers d’habitation). Trois membres d’équipage ont été tués par empoisonnement au monoxyde de carbone.
- 2 juillet 1979 : le K-116 (Echo II) est victime d’un accident de réacteur (fuite de liquide de refroidissement du cœur) dans la baie de Vladimir, en mer du Japon. Certains membres de l’équipage ont été irradiés, mais il n’y a pas eu de décès.
- 21 août 1980 : un sous-marin soviétique de Classe Echo I (K-122) prend feu dans le VIIème compartiment et demande du secours au Japon. Selon les autorités japonaises, neuf membres d’équipage mourront par manque de protection individuelle et trois autres seront blessés dans cet accident demeuré mystérieux. En tout, il y eut quatorze morts par une intoxication au monoxyde de carbone. Les marins se refugieront dans une tente bricolée sur le pont.
- 10 septembre 1981 : le K-45 (Echo I) entre en collision avec le chalutier soviétique Novokachalinsk la nuit. L’avant de la coque extérieure et le système de sonar du sous-marin ont été sérieusement endommagés. Le chalutier coule.
- 22 janvier 1983 : Le K-10 (Echo II), éperonne un sous-marin en mer de Chine. La Chine reconnaitra partiellement cet accident en 1985 avec la perte de son équipage.
- 18 juin 1984 : un incendie éclate dans le compartiment VIII du K-131 (Echo II) pour cause de violation de méthodes de sécurité par un électricien, en mer de Barents. Treize morts.
- 10 août 1985 : Le K-431 était un sous-marin de classe du Projet 675 (Echo II) avec deux réacteurs à eau sous pression, d’une capacité de 70 MW chacun, et utilisant de l’uranium enrichi à 20% comme combustible. Le 10 août 1985, le sous-marin se ravitaille en carburant à la base navale de Chazhma Bay, près de Vladivostok. Au même moment le couvercle de la cuve du réacteur était en cours de remplacement. Le couvercle était mal posé et a dû se soulever avec ses barres de contrôle. A 10h55 le réacteur tribord devient critique et provoque une explosion thermique. Cela entraîne l’explosion du carburant, la soute à combustible, rompt la coque de pression et la cloison arrière du sous-marin. La baraque de ravitaillement est partiellement détruite et son toit retombe 70 m plus loin. Un incendie général se déclare et on parvient à le maîtriser au bout de quatre heures. Mais la contamination ne fait que commencer. La plupart des débris radioactifs sont tombés dans un rayon de 50 à 100 mètres du sous-marin, mais un nuage de gaz radioactif et de particules s’est dirigé vers le nord-ouest sur six km, évitant heureusement la ville de Shkotovo-22. Par chance, la contamination restera réduite, en partie parce que le réacteur ne contenait pas de combustible irradié, la fraction d’isotopes biologiquement actifs était beaucoup plus petite que dans le cas de la catastrophe de Tchernobyl. Dix marins ont été tués (huit officiers et deux soldats), probablement du fait de l’explosion et non de blessures par rayonnement. Des lésions radioactives ont été observées chez 49 personnes, dont 10 (principalement des pompiers) ont développé une maladie liée aux rayons. Sur les 2.000 personnes impliquées dans les opérations de nettoyage, 290 ont été exposées à des niveaux de rayonnement élevés par rapport aux normes. Les déchets de haute activité recueillis lors des opérations de nettoyage ont été placés dans des sites d’élimination temporaires. En raison de la dégradation rapide de la plupart des produits de fission et des opérations de nettoyage, certaines installations des chantiers navals ont pu reprendre leurs activités quatre jours plus tard. Environ deux mois après l’accident, les niveaux de rayonnement étaient considérés comme normaux dans toute la zone du quai. Le sous-marin endommagé a été remorqué jusqu’à la baie de Pavlovsk et y a été amarré.
- 26 juin 1986 : le K-192 (ex. K-172) de la Classe Echo II est victime accident de réacteur (rupture dans la première boucle du réacteur tribord) tout près de l’île aux Ours, en mer de Barents. L’équipage est irradié mais il n’y a pas eu de décès.
Ivan le fou
La phrase est apparue après un incident impliquant le sous-marin nucléaire soviétique K-108 (Classe Echo) et le sous-marin USS Tautog (SSN-639) de Classe Sturgeon le 20 juin 1970 dans la mer d’Okhotsk, non loin du Kamtchatka.
Chaque sous-marin avait une « zone morte » ou « baffle ». C’est une zone située derrière le navire que le sonar ne pouvait pas « entendre » en raison du bruit généré par la propulsion. Les chasseurs américains se cachaient dans cette zone et poursuivaient les sous-marins stratégiques soviétiques. Il existait une manœuvre tactique spéciale pour détecter de tels sous-marins, appelée « vérification de l’absence de poursuivant (маневр уклонения от наблюдения ». Les Américains ont inventé leur propre nom « Ivan le Fou ». On retrouve cette explication dans le livre « Octobre rouge » de Tom Clancy.
La manœuvre consistait essentiellement dans des inversions de trajectoire brusques et fréquentes, comprenant des virages à 90° et même à 180° degrés, afin de détecter des objets dans la « zone morte » en utilisant le sonar. Ce 20 juin 1970, le Tautog traquait le sous-marin soviétique à la distance la plus courte possible sans être détecté par les Russes. Soudainement, le K-108 a entamé une série de virages brusques, et a disparu de l’écran du sonar du SSN-639.
Les Américains n’arrivaient pas détecter son emplacement, jusqu’à ce que le Tautog frappe de manière inattendue le ventre du sous-marin soviétique avec son massif. Heureusement, il n’y a pas eu de victimes ni de dégâts critiques et les deux sous-marins ont pu rejoindre leurs ports d’attache.
L’US Navy, choquée, ne savait pas comment réagir à une manœuvre aussi dangereuse qu’imprévisible. Après l’incident, les marins américains ont reçu l’ordre de maintenir une plus grande distance avec les bâtiments soviétiques pendant les poursuites. La seule façon de contrer « Crazy Ivan » était d’arrêter les moteurs et de fonctionner en mode de silence complet pour ne pas être entendu. Cependant, le sous-marin allait de l’avant par inertie, et le choc de 1970 ne fut pas le seul cas répertorié. Heureusement, de telles collisions ne se sont jamais terminées par des catastrophes majeures.
Un chiffre non officiel estime le nombre de collisions entre sous-marins nucléaires entre 20 et 40 !
Pour les nostalgiques, un petit extrait d’un dialogue d’anthologie tiré du film « Octobre rouge »
Matelot Beaumont : C’est quoi au juste, Jones ?
Matelot Jones : Il fait tourner son sous-marin sur lui-même. C’est une tactique des russes pour vérifier qu’on ne les suit pas. On appelle ça “Yvan le Fou”. Dans ce cas-là il n’y a qu’une chose à faire, se taire, couper la vitesse et surtout ne pas faire de vague.
Matelot Beaumont : Alors où est l’angoisse ?
Matelot Jones : L’angoisse, c’est qu’un sous-marin atomique freine encore moins bien qu’une savonnette. Si on est trop près, on va glisser et lui rentrer en plein dedans.