Classe Agosta - 1200 tonnes

(1977 - )

Mise à jour 10 mars 2024

  • Période service : 1977 –
  • Prévu : 13
  • Réalisés : 13
  • En service : 4
  • Perdu : 0
  • Exportation : Malaisie (Classe Ouessant), Espagne (Classe Galerna), Pakistan (Agosta 70 – Classe Hashmat) (Agosta 90B – Classe Khalid)
  • Propulsion : Diesel électrique / AIP
  • Hélice : 1 x 5 pales
  • Longueur :
    Agosta 70 : 67,57 m
    Agosta 90B : 76,2 m
  • Maître-bau : 6,8 m
  • Déplacement S/P :
    Agosta 70 : 1.510 – 1.760 t
    Agosta 90B : 1.524 – 2.083 t
  • Profondeur : 350 m
  • Vitesse surface : 12,5 nds
  • Vitesse plongée : 20 nds
  • Equipage : 36
  • Armement : Torpilles, mines, missiles (AN)
  • Autonomie : 45 jours
Ouessant (Malaisie)

Plus grands que les navires de la Classe Daphné, les Agosta ont été étudiés pour accomplir des missions à long rayon d’action. La Classe avait été pensée principalement pour l’exportation, mais les retards observés dans la réalisation d’un sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire (raisons budgétaires) ont changé la donne. Il est aussi nommé « sous-marin de 1.200 tonnes » dans les études, mais il s’agit de tonnes « genève » (sans les fluides). Les sources de bruit, extérieures et intérieures, ont été réduites au maximum (notamment tout ce qui pouvait dépasser de la coque en immersion). Amélioration notable par rapport aux Daphné, les tubes lance-torpilles, au nombre de quatre, étaient à rechargement rapide à la mer. Ils pouvaient lancer indifféremment des torpilles de 550 ou 533 mm de diamètre, des missiles à changement de milieu Exocet SM39 (à partir de 1985) ou placer des mines. La Praya participa à deux évènements majeurs : le lancement de la Citroën Visa GTI en 1985 et la guerre du golfe en 1991 (opération Fusain).

Quatre unités de cette Classe ont été construites pour les forces sous-marines française dans le cadre de la loi-programme de 1970-1975. Désarmés entre 1997 et 2001, ils ont été les derniers sous-marins à propulsion classique de la marine française.  Dans la mémoire des anciens, ils gardent le surnom de sous-marins « Tuperware » en raison de la présence de certains matériaux composites. En 1998, le sous-marin La Praya a été équipé d’une pompe hélice afin d’en valider sa future utilisation sur la Classe Triomphant. Le dernier de la série, l’Ouessant, a été réar­mé en 2005, après des travaux à l’arsenal de Brest, pour être prêté puis cédé à la Marine Royale Malaisienne. La Malaisie, qui utilise désormais deux sous-marins de la Classe Scorpène, l’utilise pour former ses équipages à Brest.

La marine espagnole a construit, avec l’aide technique française, quatre Agosta (Classe Galerna) au début des années 1980 en utilisant l’équipement électronique et les torpilles françaises.

Le Pakistan a acheté, en 1978, deux exemplaires, à l’origine destinés à l’Afrique du Sud, mais frappés d’embargo en raison de l’apartheid. Par la suite, la Marine pakistanaise a commandé trois Agosta 90B (Classe Khalid), qui ont été vendus pour 825 millions d’euros en 1994. Le premier de la deuxième série (Agosta 90B) a été construit par DCNS à Cherbourg et les deux autres ont été assemblés à Karachi, toujours avec l’assistance technique française. Le dernier, le S139, a été directement équipé du moteur AIP de type Mesma. Deux autres modules seront livrés mais un seul sera installé (l’autre servant de pièces détachées). En 2020, en raison de tensions diplomatiques sur fond de laïcité, la France refuse de moderniser le système AIP des S-90B (l’Allemagne d’Angela Merkel avait également refusé cette même demande). Ce sera finalement la Turquie (STM) qui effectuera cette modernisation au grand damn de Naval Group…

En 1981, l’Egypte du Président Sadate avait signé pour l’achat de deux Agosta. Après son assassinat, les relations avec son successeur Moubarak se détériorent et le contrat n’est pas honoré. Un autre contrat portant sur huit bâtiments a failli voir le jour avec l’Arabie Saoudite en 1988. Mais il s’est télescopé avec un autre contrat portant sur des Mirages 4000 et finalement, tout est tombé à l’eau (les sous-marins et les avions).

Enfin, si les USA n’avaient pas refusé à ce que les Sud-Coréens s’équipent de missiles sous-marin / surface, le contrat (finalement remporté par les Allemands HDW avec le Type 209) aurait pu être raflé par l’Agosta équipé de SM 39 (dérivé de l’Exocet).

Pour la petite histoire, à l’origine, DCNS avait proposé à la Marine Nationale Française un modèle S-80 (aucun rapport avec le S-80 de Navantia) en forme de goutte d’eau pour remplacer la Classe Daphné (S-60). Le Projet ayant été refusé, ils ont proposé une version moins chère, le S-90B, qui, refusée encore une fois par la France, a été proposée au Pakistan.

Illustration David Morel (800tonnes.com)
Ouessant (Aquarelle Roberto Lunardo - Sous-marinier)
Agosta 90B Pakistanais
S 139 Hamza en cale sèche à Karachi lors de la réparation intermédiaire et de la modernisation (avril 2020)

L’Agosta 90B (ou Classe Khalid) est une version et améliorée du sous-marin Agosta, avec des performances plus élevées et un nouveau système de combat. Ces Agosta 90B pakistanais sont actuellement en modernisation importante (le sonar, les périscopes, les radars et tous les systèmes électroniques seront remplacés). 

Ils devraient également être équipés de missiles de croisière à tête nucléaire Babur-3. Cette difficile modernisation n’est pas réalisée par Naval Group (à son plus grand regret), mais par les chantiers turcs STM et HAVELSAN pour une livraison effective entre 2020 et 2022.

Différences par rapport à l’Agosta 70

  • Longueur 76,24 m (allongement de 9 m)
  • Déplacement porté à 1.730 tonnes en surface et 1.980 tonnes en plongée
  • Coque en acier 80 HLES : immersion max 320 m
  • Système de combat : SUBTICS de UDSI, Sonar actif TSM 2253
  • Emport d’armes : 16
  • Equipage : 36 hommes
  • Énergie-propulsion : 2 groupes électrogènes SEMT Pielstick 16 PA 4 de 850 kW et un moteur auxiliaire MESMA de 200 kW
  • L’autonomie en plongée profonde est multipliée par 5
PNS Khalid au DIMDEX 2024 à Doha
Illustration David Morel (800tonnes.com)
La Praya (Photo Giorgio Arra)
Cloche de la Praya

L’affaire Karachi (2002)

L’attentat suicide perpétré au Pakistan le 8 mai 2002 contre des personnels en mission dans le cadre d’un contrat réalisé en coopération avec le Pakistan a causé la mort de quatorze personnes dont onze ressortissants français travaillant pour le programme et en a blessé douze autres. Ces personnels quittaient leur hôtel pour se rendre sur le chantier militaire de Karachi dans un bus placé sous la protection de la marine pakistanaise quand le drame s’est produit. Le contrat s’inscrivait sur la base d’un accord signé le 21 septembre 1994 pour la livraison de trois sous-marins Agosta

Plusieurs enquêtes sont en cours. La première a été diligentée en 2002 relevant d’un lien supposé entre cet attentat et des réseaux terroristes. Il convient, en la matière, de faire preuve de la plus grande prudence. En 2008, d’autres procédures ont été ouvertes suite à des soupçons de rétrocommissions qui auraient financé la campagne d’Édouard Balladur à l’élection présidentielle de 1995. L’arrêt du versement de ces rétrocommissions supposées, ordonné en 1995 par Jacques Chirac, élu président de la République la même année, a conduit à l’hypothèse selon laquelle cette décision pourrait être à l’origine de l’attentat. Le 15 juin 2020, Takiedine écope de cinq ans d’emprisonnement ferme et d’autres bras droits d’Edouard Balladur sont condamnés à des peines de trois ans ferme. Dominique Castellan, ancien patron de la DCNI, la direction des constructions navales, est jugé coupable d’avoir avalisé le versement de “sommes disproportionnées” au réseau Takieddine, “hors de tout usage“, de “façon dérogatoire” et sans utilité pour sa société.” Dans le but de préserver sa fin de carrière professionnelle“, estime sèchement le jugement. Edouard Balladur et François Léotard seront eux, jugés dans les mois à venir par la Cours Européenne de Justice (seule habilitée à juger les ministres). Précisons que ce jugement ne portait pas sur l’attentat en lui-même et qu’une enquête est toujours en cours.

Rappel des faits

Au début des années 90, DCNI* s’est engagée, pour le compte de l’Etat français, dans des négociations avec l’Etat du Pakistan qui souhaitait acquérir de nouveaux sous-marins. Pour ce faire, DCNI, a conclu un contrat d’assistance avec SOFMA** dans un contexte de forte concurrence. En 1994, il a été décidé de recourir à un second réseau d’intermédiaires (réseau K) avec Messieurs Ziad Takiedine et Abdul Rahman El Assir. Finalement, le contrat, estimé à 820 millions d’euros, a été conclu le 21 septembre 1994 et est entré en vigueur le 15 janvier 1995. Les frais commerciaux exceptionnels (FCE) autrement dit les commissions*** versées à la SOMFA ont été estimés à 50 millions d’euros. Les FCE versées au second réseau sur lesquels reposeraient les soupçons de rétrocommissions ont été estimés pour leur part à 30 millions d’euros dont 15% n’auraient pas été versées.

* DCNI est une société anonyme créée en 1990. Elle était placée jusqu’en 2003 sous la tutelle des Ministères de la Défense et des Finances. Elle avait pour objet d’assurer la commercialisation des activités industrielles de DCN, à l’époque entité administrative du mi nistère de la Défense, sans personnalité juridique jusqu’en 2003.
** SOFMA : Société Française de Matériel d’armement (SOFMA), devenue Sofema en 1997 depuis la fusion de la Sofma et de l’Ofema.
*** Avant la transposition dans le droit français, en 2000, de la convention OCDE sur la lutte contre la corruption, la pratique de DCN quant aux frais de promotion commerciale sur les marchés à l’exportation respectait scrupuleusement les règles douanières et de paiement à l’étranger en vigueur à l’époque pour les marchés civils et militaires.

Opération « Kessel » sur le Ouessant – 4 au 9 janvier 1982 (par Jean-Marie Bonomelli)

Après être rentré de perms de fin d’année, nous étions d’alerte. A 08h00 à l’appel du matin, nous avions demandé à l’Officier en second si nous risquions de partir dans la journée. Réponse : « Je viens du PC OPS de la base, rien de prévu. ». Nous devions effectuer une patrouille la semaine suivante pour 3 semaines environ, avec une escale à Malte.

Á 09h00 : Appel au poste de combat de vérification dans ½ heure. Soi-disant un nouveau croiseur russe en construction à Mourmansk fait route vers la mer Noire, il faut l’intercepter pour photos et enregistrement des bruits. Nous sommes partis à 10h30, sans pouvoir faire le plein de vivres fraîches, ni de pain.

Nous avons passées 38 jours en mer, dont 28 en plongée consécutifs (record pour un classique). L’escale à Malte a été supprimée deux jours avant la date prévue. (Aujourd’hui, je demande si elle était vraiment prévue). Des années plus tard, j’ai appris que c’était un exercice du nom de code « Kessel » (Départ sans préavis).

Mon épouse a été prévenue par un gradé qui s’est déplacé chez moi, pour lui annoncer que j’étais parti pour un temps indéterminé. Jamais agréable de voir à la porte un gars en tenue, en général porteur de mauvaise nouvelle.

André Giraud – Suicide ou assassinat (1998) ?

12 janvier 1998, on retrouvait le corps sans vie d’André Rigault, âgé de 43 ans, sur son lieu de travail à l’arsenal (DCNS – Naval Group) d’Indret, près de Nantes. On découvre le corps vers 20 heures, sous la passerelle de béton qui sert à soulever et tester les systèmes de propulsion des sous-marins. L’enquête fut menée sur place par la gendarmerie de l’arsenal d’Indret. Elle conclut rapidement au suicide. André se serait pendu avec une corde qu’il aurait attachée à la passerelle. La corde se serait cassée lors de sa chute, d’où la position du corps sur le sol dix mètres plus bas. Le rapport note effectivement la présence d’un sillon autour du cou mais sa compagne n’a jamais pu le confirmer car lors de sa visite à la morgue, le cou avait été dissimulé.  Pas d’enquête de la Police, mais la DST se rend sur place. Pas de rapport. Pas d’autopsie. Sa compagne se rend à la morgue et constate que le visage d’André est tuméfié et que sa chemise est trop propre pour être celui d’un homme qui est tombé de dix mètres de haut. Le col est trop haut pour que l’on puisse voir les hypothétiques traces laissées par la corde. Le corps est donné à la science. Ce qui est étrange, c’est que l’on ne comprend pas la raison du suicide (pas de lettre, rien). À Indret, André aurait été impliqué dans un projet majeur : le MESMA, qui consiste à développer des sous-marins classiques à longue durée de submersion grâce à des moteurs qui consomment très peu d’oxygène. 

D’après son CV, André était responsable de la simulation et de la modélisation mathématique des systèmes de propulsion y compris du contrôle des bruits et des vibrations. Il est donc directement impliqué dans le projet MESMA. L’autre projet d’Indret à l’époque était SAWARY2, la construction de frégates pour l’Arabie saoudite. Les mêmes frégates qui furent vendues à Taïwan avec le milliard de dollars de rétro-commissions empoché par les dignitaires taïwanais et, on le sait, des intermédiaires français. A Indret, les syndicats étouffent l’affaire par peur de nuire à la réputation du site. Depuis tout ce temps, Annick (sa compagne) se bat pour découvrir la vérité. 

Source : Agence Bretagne Presse.

André Giraud
Moteur MESMA destiné aux sous-marins pakistanais
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