Les "Pin Up" du bord

Def: Illustration (photographie ou dessin) représentant une jeune femme sensuelle, attirante, nue ou très peu vêtue.

Prononc. et Orth.: [pinoep]. Rob.pin up, mais Lar. Lang. fr.: pin-up. Plur. inv. selon Rob. et Lar. Lang. fr. Prop. CatachGolf. Orth. Lexicogr. 1971, p.287: ,,une pinup pl. des pinups“. Étymol. et Hist. 1944 (L’Aurore, 12 oct., 1f ds Höfler Anglic.). Empr. à l’anglo-amér. pin-up (1943 ds NED Suppl.2), abrév. de pin-up girl comp. de girl «fille, jeune femme» et to pin up «épingler, afficher» (de pin «épingle») désignant les photographies de vedettes féminines attractives affichées dans les chambrées ou ces vedettes elles-mêmes.

“Ces photos n’ont JAMAIS existé dans la marine française !!!”

Elles sont indissociables de la sous-marinade (comme sur les bateaux de surface, bien que la présence prématurée d’équipages féminins chez ces derniers aient limité la tradition). La présence de ces créatures peu vêtues sur les parois du mess ou des chambrées était laissée à la libre appréciation du Pacha. Mais depuis quelques années, la Marine Nationale a décidé de mettre le Holà sur ces éléments décoratifs.

Mais les traditions restent et certains éditeurs ne se privent pas de la perpétuer sur des calendriers conçus spécialement à cet effet. Et quand on voit que certains clichés sont pris dans les entrailles même de sous-marins actuels, on imagine la connivence de la chaîne de commandement…

Mais le plus intéressant dans cette histoire de Pin Up, c’est la réaction des sous-mariniers lorsque j’ai voulu enquêter sur le sujet. A ma grande surprise, un grand nombre n’en ont jamais vu à bord. Sur les classiques, le système de la bannette chaude (2 couchettes pour 3 marins) ne facilitait pas la mise en place d’une petite décoration intime. Puis, lorsque la couchette est devenue individuelle, la hiérarchie a vite mis le hola. D’autres avouent que ces photos existaient bien (les quelques clichés ici le prouvent) et les annecdotes sont nombreuses comme celle d’un gradé qui avait interdit les femmes nues et qui s’est retrouvé le lendemain avec un poster d’homme entièrement dévêtu. Mais curieusement, certains représentants officiels du domaine se sont fachés en voyant mes questions. “Ces photos n’ont JAMAIS existé dans la marine française !!!” Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à supprimer mes posts sur les forums. De mon point de vue, regretter ces photos est un fait, mais les nier en est une autre que je ne m’explique pas.

Ceci étant, il ne me viendrait pas à l’idée de blâmer ce genre de photos à bord. L’isolement, la difficulté de la labeur pendant des semaines entières expliquent facilement ce genre de pratique. Comme le fait de passer de main en main des petites revues érotiques qui selon certains représentaient près de 80% des lectures à bord. Un écrivain talentueux évoquait très justement “la poésie, la douceur évocatrice de la femme-terre, l’érotisme soft qui ne bascule ni dans la vulgarité ni dans la pornographie, le soyeux d’une toison pudique, la perfection d’un sein, la frustration gonflée de testostérone, la brutalité du désir retenu, la vocation masturbatoire des idoles placardées…”

Et quand bien même ces photos circulaient à bord, cachées dans un recoin ou placardées aux yeux de tous, combien de marins les appréciaient réellement ? Entre le fort en gueule qui impose sa déco et le jeune qui n’ose critiquer ou l’autre qui embrasse tous les soir la photo de son épouse et de ses enfants. Vaste mystère !

Interdiction dans la Royal Navy

En 2017, la Royal Navy aurait interdit les photos de modèles de pin-up et de glamour après des plaintes de certains membres d’équipage. Les marins auraient également été avertis qu’ils feraient face à des poursuites s’ils étaient surpris en train de télécharger ou de regarder de la pornographie.

Cela vient après qu’un examen ait révélé que des films et des magazines sexuellement explicites étaient régulièrement disponibles sur des navires de guerre et des sous-marins, selon le journal Sun. Il cite une source disant : “Pour être juste, cela fait partie du service qui entre dans le 21e siècle, être plus inclusif et ne pas offenser les femmes. Mais beaucoup de gars se plaignent de cela parce que la pornographie sévit dans la flotte depuis des générations, et c’est le résultat de quelques personnes qui se plaignent.” «Ils ont arrêté le rhum tot (une ration quotidienne de rhum) et ont réduit notre allocation d’alcool et ont maintenant interdit la pornographie. “Les gens se demandent quelle est la prochaine étape, ainsi que comment cela sera appliqué, surtout si des éléments sont stockés sur des smartphones.”

Le changement apporté au Queen Regulations de la Royal Navy aurait été distribué sous le titre “Pin-ups et pornographie”, disant : “La possession de films/vidéos et de toutes formes de supports numériques (par exemple, des DVD ou des téléchargements sur Internet) qui ont été certifiés par le British Board of Film Censors est autorisée. Tout autre matériel pornographique est interdit.”

L’interdiction sera appliquée par le biais de perquisitions inopinées par la police de la Royal Navy, alors que les marins pourraient accéder à des films sur les réseaux sociaux ou ramasser de la pornographie lors d’escales internationales, écrit le journal. Les femmes ont pris la mer pour la première fois dans la Royal Navy en 1990. En 2007, les pin-up ont été interdites dans les zones communes, après qu’une interdiction de 2004 sur les photos seins nus a été supprimée en deux mois. Un porte-parole de la Royal Navy a déclaré : “La Royal Navy veille à ce que l’environnement de travail, à terre ou en mer, soit inclusif et approprié et nous sommes fiers d’être reconnus comme l’un des 100 meilleurs employeurs dans l’indice d’égalité au travail de Stonewall 2017.”

Sur USS Batfish (SS-310)

Témoignage d’un homme du bord
(par Jean-Jacques Quenet)

Des photos prises à bord, dans lesquelles on pouvait apercevoir des pin-up ?? J’en ai deux, prises à bord du Redoutable, où je suis assis à même le sol de l’infirmerie, à lire un Playboy. Mais il n’y avait pas que les pin-up à bord, il y avait aussi des choses bien plus ‘’condamnables’’ (que Satan me maudisse d’en parler, lol). J’ai navigué sur SNLE de 1976 à 1987 et j’ai toujours connu ce genre de lecture. Certains en avaient une certaine appétence, d’autres au contraire, s’en désintéressaient totalement.

Certes, il y avait les Penthouse, MyFair, Play Boys et d’autres revues encore, qui étaient ‘sympathiques’ mais il y avait aussi des livres très ‘’osés’’, des pornos pour être plus clair. Ces livres circulaient ‘’sous le manteau’’, sous les T-shirt devrais-je dire, et passaient de piaule en piaule au grès des échanges et des affinités de chacun. Des revues ou livres passaient même d’un équipage à l’autre lors de la passation de suite. C’était la cerise sur le gâteau à la fin des transmissions. Certains livres ne prenaient jamais ‘l’air’ et faisaient plusieurs patrouilles à suivre. J’en ai encore quelques-uns avec moi, rangés dans un carton. Ils ont plus d’heures de plongée que moi et ont passé toutes les lignes. Ils étaient, bien sûr, interdits à bord, même si beaucoup connaissaient leur existence y compris, je pense, certains officiers puisque, un en particulier, m’en demandait de temps en temps.

Quelques films circulaient aussi à bord, en Super 8 pour l’époque. Et oui, le numérique n’existait pas ! Le visionnage se faisait souvent à l’infirmerie, côté́ bannettes des infirmiers, à l’aide d’une visionneuse genre EDIRAY MURRAY pour film Super 8, qu’il fallait manipuler à la manivelle mais qui avait l’avantage de pouvoir faire marche arrière en rembobinant afin de revoir une séquence à la demande pressante d’un ‘’spectateur’’. Nous étions agglutinés à 6 ou 7 à regarder ce petit écran d’environ 12×12. Un pop-corn n’y aurait pas trouvé sa place. Nous étions loin de la 3D et des salles spacieuses des Multiplex d’aujourd’hui. Ces visionnages étaient confidentiels et réservés à une minorité de confiance. Pourtant un des médecins que j’ai eu, me demandait un livre de temps en temps, livre qu’il montait au carré. Y circulait-il ? Je ne sais pas. Il était aussi au courant des projections mais a toujours gardé le ‘’secret’’. C’était un médecin que j’appréciais beaucoup mais malheureusement décédé́ depuis.

Pour finir, à bord je faisais de la peinture à l’huile sur toile. J’ai réalisé́ quelques tableaux, en particulier et majoritairement des nus. En effet, le sujet d’intérêt était celui auquel nous pensions… par la force des choses. Comme il n’y avait pas de modèle (lol) je m’inspirais de photos prises dans des revues mais toujours en modifiant et personnalisant ma réalisation. Quand je peignais, une partie de l’équipage défilait à l’infirmerie pour voir l’avancement du boulot, y compris certains officiers, pacha et O2 compris à l’occasion. Puisque l’embarquement de solvant était interdit, j’utilisais le fioul du bord pour la dilution de la peinture à l’huile et pour nettoyer mon matériel. L’odeur des vapeurs de fioul dans l’infirmerie et alentour indiquait clairement que j’étais aux pinceaux. Grâce à l’efficacité du système de ventilation, cette odeur disparaissait rapidement et n’était pas désagréable. Je n’ai peint que lors des patrouilles, et pas toutes, et n’ai jamais repeint depuis. Je n’avais, d’ailleurs, jamais peint avant non plus. J’ai toujours quelques un de ces tableaux et il me reste des revues et livres de l’époque, rangés sagement dans un carton.

Enfin, nous faisions, au cours des patrouilles, un journal qui était distribué dans le bord. La périodicité changeait d’une patrouille à l’autre, hebdomadaire ou bi-hebdo, mais certaines patrouilles restaient sans publication car ce journal était le résultat de la bonne volonté de quelques-uns et de l’énergie qu’ils y consacraient, donc à donner de leur temps de repos. Si un membre de l’équipage était dessinateur alors les journaux étaient agrémentés de dessins humoristiques, comiques voire ironiques, relatant un évènement cocasse du bord. D’autres dessins, plus coquins et aux formes arrondies, ne laissaient planer aucun doute sur la pensée des rédacteurs ou dessinateurs qui, comme on le sait bien, doivent capter le lecteur et ses centres d’intérêt. Il était fréquent de trouver les œuvres de Robert Lassalvy, soit des originaux, soit détournés avec une légende ‘aménagée’, puisque ses dessins représentaient principalement le sujet évoqué.

J’ai quitté les SNLE en 1987. Depuis, les choses ont certainement changé. Mes propos ne concernent que mon expérience durant mes années de patrouilles et n’ont pas prétention à être le reflet d’une généralité actuelle ou passée.

Peinture du bord (Jean-Jacques Quenet)
Peinture du bord (Jean-Jacques Quenet)
Visionneuse EDIRAY MURRAY

Les Calendriers

Les Illustrés (très sages)

Dans les bannettes et les coursives (plus osées)

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