Quel avenir pour les diesels américains
Depuis la fin des années 50, l’US Navy s’est presque exclusivement concentré sur des Projets à propulsion nucléaire. Le dernier sous-marin à moteur diesel a été mis hors service en 1990 (Classe Barbel). Depuis lors, plusieurs voix se sont élevées pour demander d’avoir au moins quelques bateaux diesel. Ce fut d’autant plus le cas lorsque les Suédois prêtèrent en 2005-2006 un sous-marin Gotland à propulsion AIP pour des tests grandeur réelle. Mais aujourd’hui, rien n’a véritablement changé.
Les arguments avancés en faveur des bateaux diesels sont généralement basés sur leur faible coût (comparé aux bateaux nucléaires) et leur furtivité. Le sujet a été abordé lors de la réunion du sous-comité US House Seapower et Force Projection, au cours de laquelle trois études portant sur l’architecture de la flotte future ont été examinées. Il en ressort que les bateaux de la Classe Soryu de la marine japonaise coûtent environ 20% d’un SSN de la Classe Virginia de l’US Navy. Et l’argument contre les sous-marins diesel-électrique est venu de nombreux endroits. Si on admet l’utilité de bateaux diesels, on remet en cause le fait de disposer d’une force conséquente de bateaux à propulsion nucléaire. On serait alors tenté de privilégier le diesel au nucléaire et on compromettrait la capacité de la Marine dans son ensemble. L’industrie nucléaire perdrait en compétence et en compétitivité, même si la possibilité de construire des unités diesel destinées à d’autres puissances amies (comme Taïwan) pourrait booster les exportations (on estimait également que cela pourrait générer près de 7.000 emplois). Dernier argument, le fait de construire des sous-marins diesel-électrique qui seraient également exportés donnerait accès, à des puissances autres, des technologies américaines.
Le premier adversaire à la constitution de cette flotte non-nucléaire était logiquement l’Amiral Rickover. Bien que ce dernier ait pris sa retraite, ses successeurs ont poursuivi le combat, ce qui leur a valu de la part des partisans d’une flotte alternative (donc non-nucléaire) le surnom de « Mafia sous-marine ».
Un argument plus nuancé, mais très populaire parmi les sous-mariniers de l’US Navy est que les bateaux diesel étaient tout simplement trop lents. Les bateaux nucléaires sont beaucoup plus rapides et peuvent traverser le Pacifique ou l’Atlantique à temps pour rejoindre le théâtre des combats. En tant qu’atout stratégique, des sous-marins peuvent être nécessaires dans n’importe quel coin du globe à court préavis. La vitesse compte pour beaucoup. On peut aussi s’interroger que du fait de la taille imposante des unités nucléaires, celles-ci sont peu adaptées aux eaux peu profondes que l’on peut rencontrer dans la zone indopacifique. Quid d’une intervention américaine pour soutenir un conflit entre la Chine, Taïwan, le Japon, l’Inde ou autres protagonistes de la région ? La question se pose d’autant que les tensions sont vives dans la région et que les USA ont tout intérêt à posséder des solutions permettant de créer une barrière de passage entre les mers de Chine et le Pacifique occidental. On aurait du mal à imaginer un Virginia à l’aise dans des eaux de moins de 100 m de profondeur. De plus, même si la Classe Virginia s’est dotée de moyens pour permettre le déploiement de commandos sous-marins, elle n’est pas adaptée aux eaux dites vertes. En effet, ils ont besoin d’eau plus profonde et froide (eaux bleues) pour refroidir leur réacteur.
La solution serait peut-être de recourir aux nouveaux sous-marins autonomes XLUUV, plus discrets, plus petits et capables d’assurer une surveillance de ces zones peu profondes (bien que leur capacité d’attaque ne soit pas encore démontrée). Des pays comme la Russie et la Chine (qui pourraient être classées comme potentiellement « conquérantes ») continuent de développer en parallèle des unités diesel (avec ou sans AIP) et des unités à propulsion nucléaire. Cette stratégie leur permet de couvrir un large spectre d’opérations (et de commercer à l’export). Une autre solution serait que les USA acquièrent des sous-marins étrangers afin d’étendre leur capacité d’intervention au-delà de l’aspect dissuasif de la force brute nucléaire. Le fait qu’ils aient en 2020 décidés d’équiper les Virginia de missiles nucléaires tactiques entre dans ce process.
Enfin, si un conflit venait à éclater, les USA auraient un fort déficit en matière de nombre de sous-marin opérationnels comparativement à la Chine et à la Russie (si on tient compte du déclassement progressif de la Classe Los Angeles). En termes d’effort de guerre, ils pourraient construire six ou sept SSK pour le prix d’un SSN tout en sachant que les sous-marins conventionnels rattrapent leur retard (VS nucléaire) avec la technologie AIP et sont même devenu plus furtifs que ces derniers. La question de la distance opérationnelle (qui pouvait justifier l’usage du nucléaire) est de plus en plus à relativiser. Les USA disposent de bases opérationnelles proches de l’Asie (Okinawa, Singapour, Subic Bay et Guam). A réfléchir !
HI Sutton propose sur son site ce que pourrait être un diesel électrique de dernière génération pour l’US Navy. Il mesurerait environ 70 mètres de long et 10,6 mètres de haut. La coque de pression est de 8 m de diamètre permettant trois ponts d’une hauteur confortable. Le déplacement serait d’environ 4.000 tonnes, pour le situer au sommet du tonnage des sous-marins diesel-électrique. Comparé au sous-marin à propulsion nucléaire de la Classe Virginia, de la marine américaine, ce concept (SWS) ne représente que 60 % de la longueur, 80 % du diamètre de la coque et environ la moitié du déplacement. Les caractéristiques du SWS sont détaillées sur le site de HI Sutton.