Brésil

“La stratégie de défense est indissociable de la stratégie de développement. La première constitue la protection de la seconde”. C’est à travers ce prisme économique qu’il faut lire l’ambitieux programme de développement de la Marine brésilienne. Le pays a découvert de très importants gisements pétroliers en haute mer et cela échauffe les esprits (et la convoitise). La prise de conscience de son importance pour le développement économique du pays forge la stratégie maritime du Brésil.

Quai de lancement des sous-marins à Itaguaí inauguré en juillet 2020

4,5 millions de km2 qui abritent 95% des réserves de pétrole du Brésil : c’est l’Amazonie Bleue. Ce concept, créé par l’Amiral Guimaraes Carvalho (chef d’état-major de la marine de 2003 à 2007), recouvre les eaux ou les fonds océaniques brésiliens. Il englobe également les eaux territoriales, la zone contiguë, la zone économique exclusive et l’extension du plateau continental revendiqué par le Brésil. Au-delà, l’Atlantique Sud est un enjeu stratégique pour le Brésil. Comme beaucoup d’autres pays, le Brésil est déjà desservi presque exclusivement par la mer (95 % de son commerce extérieur emprunte l’océan). Les principales routes de navigation longent aujourd’hui ses côtes mais les flux vers l’Afrique, du cap de Bonne Espérance au Cap Vert, ne cessent de croître. Il existe sur le continent africain des pays lusophones (Angola, Mozambique, Iles du Cap Vert) et les relations Sud – Sud s’intensifient. La protection des gisements offshore et la sécurisation des voies maritimes sont vitales pour l’économie brésilienne. Des moyens hauturiers sont indispensables. La stratégie nationale de défense de décembre 2008 justifie le développement du secteur militaro-industriel pour des raisons diplomatiques et économiques, et non par des menaces aux frontières.

Cette stratégie est déclinée dans le Plan d’Equipement et d’Articulation de la Marine Brésilienne pour les années 2010-2030 (PEAMB). Ses objectifs majeurs sont la défense des plates-formes pétrolières (très éloignées des côtes et de fait vulnérables), plus largement des eaux sous juridiction brésilienne, la capacité de faire face rapidement à une menace visant les voies maritimes commerciales et la participation à des opérations internationales de maintien de la paix. Le Brésil se dote d’une industrie de construction navale moderne et compétitive. L’achat de quatre sous-marins Scorpène à Naval Group, dont trois seront assemblés entièrement sur son territoire, reflète cette ambition. Le développement d’une force sous-marine océanique permet au Brésil de développer une stratégie de déni d’accès à ses eaux et de peser sur l’Atlantique Sud. Le PEAMB prévoit donc la construction de 15 sous-marins à propulsion classique d’ici 2037 et de 6 à propulsion nucléaire d’ici 2047. Le Brésil souhaite entrer dans le club très restreint des pays possédant des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA). Ce plan d’équipement n’oublie pas la flotte de surface, mais ce n’est pas le sujet de cet ouvrage.

Ce développement ambitieux a été voulu par le Président Lula, n’a pas été remis en cause dans son principe, mais riquait être limité dans son objectif par le Président Dilma Roussef pour des raisons budgétaires. La partie sous-marine serait préservée au niveau des ambitions actuelles par l’affectation d’une partie des recettes des concessions pétrolières. Maintenant, c’est le tempétueux Jair Bolsonaro qui est à la manœuvre. Alors…

Le Programme PROSUB

Au Brésil, Naval Group a remporté le marché PROSUB (6,7 milliards d’€) en décembre 2008. En partenariat avec le conglomérat Odebrecht, dans le cadre de la JV Itaguai Construcoes Navais (ICN), Naval Group co-réalisera quatre Scorpène, et assistera le groupe brésilien dans la conception d’un SNA (hors partie nucléaire). D’après Mer et Marine et Defesa Net, une partie de la tête de série sera produite à Cherbourg (sections avant S3 et S4), tandis que les industriels brésiliens assureront la production de la partie arrière. Les bâtiments 2 à 4 seront pour leur part réalisés localement grâce à un transfert de technologies. En parallèle, Naval Group se chargera, dans le cadre d’un transfert de savoir-faire, de la formation de plus de 150 ingénieurs et techniciens brésiliens, et assistera Odebrecht dans la construction du site industriel de construction près de Rio de Janeiro (inauguré en juillet 2020).

Le commandant de la marine du Brésil, l’Amiral Ilques Barbosa Júnior, a annoncé le 12 avril 2019 qu’il avait des discussions avec la marine du Pérou sur la possible vente de deux sous-marins de Type 209/1400 (S32 Timbira et S-33 Tapajó) qui approchent des 20 ans de service. La marine péruvienne souhaite en effet remplacer en 2023 ses six 209/1100 et ses choix les plus probables étaient le U214 (avec ou sans système AIP), le U209/1400 Mod ou encore le Scorpène. Elle étudie aussi le S-80 construit en Espagne par Navantia. Entre le neuf et l’occasion, le cœur (et le porte-monnaie) balance ! Fin 2019, on oublie le Pérou et des négociations sont engagées avec l’Argentine pour reprendre les deux, puis les quatre sous-marins brésiliens sous réserve de pouvoir être réparés. Mais en janvier 2020, le projet capote en raison de désaccords entre les deux Présidents argentin et brésilien. L’Argentine regarde désormais vers les Ula norvégiens.

Cliquez pour en savoir plus sur le programme PROSUB à Itaguaï (article Meretmarine)

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