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Parmi les jouets qui existent sur le marché, les sous-marins sont certainement ceux qui coûtent le plus cher. Rien à moins de 250.000 € pour ceux qui se contenteront de l’occasion jusqu’à plusieurs milliards pour les derniers joujoux derniers cris.
L’achat d’un sous-marin engage son acquéreur sur la durée car, comme un animal de compagnie, rien ne sert de l’acheter si on n’est pas capable de le maintenir en capacité opérationnelle. Un sous-marin ne vaut que si ses armes sont en capacité de fonctionner. Ce n’est pas un simple moyen de locomotion. Et comme c’est un joujou qui vaut très cher, il faut s’assurer que c’est un investissement à long terme. Il faut savoir comment il marche, comment le faire fonctionner et comment le réparer en cas de problème (voir le faire évoluer).
C’est certainement la raison pour laquelle céder à ce genre de caprice ne se fait pas à la légère.
Lorsqu’un pays souhaite acheter un sous-marin, il doit se poser une multitude de questions (liste non exhaustive) :
- Budget d’acquisition
- Budget d’entretien
- Missions à remplir (défense des eaux territoriales, espionnage, missions agressives, protection de la flotte projetée (porte-avion), fierté nationale, etc.) ?
- Combien de sous-marins ?
- Nature des eaux dans lequel le sous-marin va évoluer
- Typologie des fonds sous-marins empruntés
- Autonomie nécessaire
- Durée de vie souhaitée du sous-marin
- Délai de mise à disposition
- Coût des modernisations à venir
- Adhésion du peuple au projet (question du nucléaire)
- Typologie des armes souhaitées
- Typologie des équipements embarqués (hors armes)
- Capacité à construire sous licence
- Capacité à entretenir localement (et réparer)
- Participation des industriels locaux (technologie nationale)
- Chantiers naval locaux disponibles ?
- Utilisation de la main d’oeuvre locale (création d’emploi)
- Volonté d’acquérir un savoir faire technologique (transfert de compétence)
- Capacité à négocier avec l’acheteur dans la durée (Boycottes, sanctions internationales, conséquences diplomatiques)
- Capacité à obtenir les meilleures armes à bord
- Capacité à former les équipages
- Neuf ou occasion ?
- Fiabilité du vendeur et capacité à respecter ses engagements
- Engagements géopolitiques ou bi-nationaux
- Fiabilité opérationnelle du futur sous-marin
Comme on peut le constater, la liste est longue et la route truffée d’embuches. Beaucoup de pays tombent dans le piège.
Sous prétexte de mettre en avant un des critères de la liste, ils se fourvoient dans des mésaventures coûteuses. Les exemples ne manquent pas. On citera par exemple les Canadiens qui n’arriveront jamais à utiliser de manière optimale leurs quatre Classe Upholder achetés d’occasion à la Grande Bretagne, l’Indonésie qui constate que ses KSS I (Classe Chang Bogo) ont des problèmes de conception, la Thaïlande et le Pakistan qui auront un S26T Chinois sans moteur diésel allemand pourtant prévu dans le contrat…
Mais le meilleur exemple récent reste celui de l’Australie qui en voulant à la dernière minute des sous-marins à propulsion nucléaire, se désengageront de la France et de Naval Group (Classe Attack) pour se tourner vers des américains et anglais qui seront incapables de fournir des unités dans des délais raisonnables. En tout, l’Australie aura dépensé 5,5 B$ pour des sous-marins qui n’existent pas. Selon une étude publiée en décembre par l’Institut australien de politique stratégique, le programme Aukus coûtera plus de 80 milliards de dollars et prendra des décennies avant d’être opérationnel. Mais à ce stade, les Australiens n’ont encore aucune idée des sous-marins qu’ils pourraient avoir un jour.
Et combien ça coûte ?
Toujours très cher et personne n’en connait véritablement le coût final (même ceux qui les achètent). Entre la proposition initiale, la variation des taux de change, les modifications du cahier des charges, les impondérables, les oublis, les rétrocommisions, les pénalités de retard, les impacts sur l’économie, les budgets peuvent passer du simple au double.
Ne pas oublier également qu’un sous-marin n’est pas une simple coque d’acier ou de titane. ce n’est qu’une des composantes du marché. Quand il faut rajouter l’équipement, les armes, la maintenance, les infrastructures et la formation du personnel, le budget explose.
Le vendeur est souvent fier d’annoncer X millions de $ de contrat mais comme on ne sait pas ce qu’il y a dans le contrat, impossible de vérifier. A la signature du contrat avec l’Australie, la France annonçait 34,3 B$ de contrat (réévalué à 56 B$, mais combien concernait la France ? Seulement 8.
Et du côté de l’acheteur, on bien souvent à minimiser le coût global de l’opération…