Et Dieu dans tout ça ?
Nul n’est question ici de prosélytisme. La question n’est pas de savoir si Dieu existe, s’il est juste, s’il doit avoir une bannette, ou s’il est content de nos joujoux, mais de savoir comment est célébré Dieu (sous toutes ses formes) à bord d’un sous-marin.
La première question à se poser est peut-être de savoir si Dieu y a sa place et si le message qu’il délivre (pour ceux qui y croient) est compatible avec le fait d’œuvrer dans un navire qui transporte des armes nucléaires.
« L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui, plus que jamais, un crime. Cette utilisation est immorale », a martelé le Saint-Père, dans un discours prononcé en 2019 à l’occasion de sa visite des villes martyres de Nagasaki et Hiroshima ». Sa voix ne semble pas avoir traverser la surface des océans. Pendant la guerre froide l’Eglise catholique, tout en condamnant l’usage des armes nucléaires, a légitimé et toléré provisoirement le concept de dissuasion. Mais dès 1993, le pape Jean-Paul II se prononce pour l’abolition des armes nucléaires. Benoit XVI précise même que « la dissuasion nucléaire devient de plus en plus intenable, même si elle s’exerce au nom de la sécurité collective. ».
Cette position officielle de l’Eglise catholique était connue des marins catholiques à bord des sous-marins, dont les SNLE. Pour la plupart des officiers de Marine, le sujet n’était jamais abordé lors des patrouilles. Il devait être source de gêne ou de désaccord vis-à-vis de la papauté. Mis en perspective cela peut donc paraitre paradoxal d’avoir célébré des assemblées dominicales sans prêtre (ADAP) à bord des SNLE, outil de la dissuasion.
Les plus curieux et théologistes trouveront leur réponse dans Matthieu chapitre 8 verset 13 « Puis Jésus dit à l’officier : Rentre chez toi et qu’il te soit fait selon ce que tu as cru. Et, à l’heure même, son serviteur fut guéri. ». Un sous-marinier commente « Dans ce passage, Jésus s’adressait à un officier romain qui avait mis sa Foi en Lui. Si une quelconque incompatibilité existait entre Foi et militaire, Il en aurait fait part à ce moment-là. Il ne faut pas se tromper de combat, l’enjeu est le salut des âmes même pour un militaire ».
Les plus pragmatiques utiliseront la formule de l’auteur Romain Végèce « Qui desiderat pacem praeparet bellum » ou « Qui veut la paix prépare la guerre » Pour terminer (et je ne citerai pas toutes les horreurs que j’ai pu entendre lors de cette enquête), d’autres penseront que, je cite « tout ce qui porte une robe n’a rien à faire à bord » ou pour les moins créatifs, la devise anarchiste, utilisée dès la fin du XIXème siècle « ni Dieu, ni Maître ». Et puis, il ne faut oublier que certains « Pacha » savaient opportunément rappeler qu’ils étaient « seul maître à bord après Dieu ! »
Voilà, la messe est dite. Enfin, presque !
On pourrait croire qu’on laisse sa religion en embarquant et qu’on la récupère à la fin de la patrouille. Ce ne semble pas être toujours le cas. Petit tour du monde en commençant par la France.
France
En France, la pratique des religions est acceptée dans les Forces sous-marines et il semble qu’elle soit plus présente chez les officiers que pour le reste de l’équipage. Si la Marine dispose d’aumôniers, ces derniers restent à la base et il est rare qu’ils embarquent à bord des sous-marins, à de rares exceptions près (On cite le cas d’un aumônier militaire qui a été autorisé à participer à une patrouille entière. C’était un moine et prêtre bénédictin entré très (trop) jeune au monastère qui avait été autorisé à exercer hors les murs par son abbé). Traditionnellement, une messe est célébrée avant l’appareillage mais la présence de l’équipage n’est bien évidemment pas obligatoire. Toute l’année, les aumôniers préparent des « kits » pour les membres de l’équipage qui pratiqueront pendant la patrouille. Ils enregistrent des messes à terre, les filment et procèdent à des homélies qu’ils tentent de personnaliser compte tenu du contexte. Mais ce n’est pas un exercice facile car il est difficile de coller à l’actualité par anticipation. Ces messes sont ensuite diffusées à bord, généralement le dimanche matin, dans le compartiment mis à disposition par le commandant.
Ces messes sont ensuite diffusées à bord, généralement le dimanche matin, dans le compartiment mis à disposition par le commandant. Ce peut être l’infirmerie (ou le bloc opératoire sur SNLE), le mess, le carré des officier, en tranche D, au milieu des torpilles le pupitre de tir fait un excellent support pour y poser la bible, etc. Tout dépend du monde qui souhaite y participer et des impératifs de la mission. Après, il ne faut pas que cette célébration incommode le reste de l’équipage, et vice versa. Il est ainsi incompatible de faire la messe au milieu de joyeux non pratiquants qui sont en plein tiercé (certains comprendront). Ces assemblées de prière (ADAP) sont généralement organisées à bord des SNLE (plus de monde, plus de place). A bord des SNA, c’est beaucoup plus compliqué. Il y a moins de prétendants à l’office et aucun espace adéquat. Aussi, les ADAP y sont plus sporadiques et dépendent des périodes et du commandant. Bref, pas de règle.
L’office est orchestré par l’officier du culte. Ce n’est pas un grade, juste une mission volontaire. Dans la Marine française, l’aumônier catholique est surnommé Boüt (lire (Bohutte), qui provient du mot « marabout », découvert vraisemblablement lors de la conquête de l’Algérie en 1830. L’officier du culte reçoit la réserve eucharistique lors de la cérémonie et bénédiction organisée la veille du départ. La réserve est placée dans un coffre-fort, fermé à clé (on ne sait jamais, on plaisante beaucoup à bord) ou dans la chambre de l’officier du culte dans un petit tabernacle. Par expérience, l’officier du culte est un OM ou un officier. Si c’est un officier, cela peut intimider le reste de l’équipage. Evidemment, tout le monde ne peut pas y assister en raison des quarts. Il peut donc y avoir une séance de rappel. Chaque dimanche il y a une diffusion générale pour annoncer « messe à l’infirmerie » ou « réunion de prière à l’infirmerie ».
Les fêtes religieuses sont aussi célébrées à bord et les traditions (ou obligations) culinaires sont respectées. Pendant le carême par exemple, le repas est servi à base de poisson le vendredi midi avec une soupe en entrée pour le dîner du vendredi. A Pâques, le commandant prévoyant à commander un agneau pour le repas. Pour les musulmans, la cuisse prépare un plat différent lorsque le menu comporte des éléments à base de porc. Les marins de tradition juive semblent plus discrets. Bref, on se respecte et on ne cherche pas à savoir. Sur certains bâtiments, soit par manque de place, soit par discrétion, la messe n’est pas prononcée « en live » par l’officier du culte, mais est juste diffusée sur un canal radio accessible par l’équipage. Mais pas de règle, c’est au Pacha de décider si on diffuse la Messe ou Madonna. Lors des escales, l’officier du culte organise parfois avec les aumôniers présents une petite messe, mais cela dépend des possibilités offertes sur place.
En dehors de ces manifestations, l’officier du culte reste à disposition de l’équipage pour répondre à leurs questions spirituelles. Et ce, peu importe la religion. Les aumôniers militaires sont formés pour effectuer plusieurs types de services indépendamment de leurs propres croyances. Un aumônier catholique peut administrer des services juifs ou faciliter le culte musulman. Il en est de même pour les officiers du culte à bord. Certains laissent trainer une bible sur la bannette pour le passant occasionnel et il n’est pas rare qu’elle disparaisse quelques jours pour réapparaître à un autre endroit du bord. Une bible, ça peut toujours servir. Ne serait-ce que la tenir dans sa main en période de crise…
L’objectif n’est surtout pas d’embarquer l’équipage vers une nouvelle destination. Aucun prosélytisme. Ce ne serait pas toléré, surtout en France qui est un pays laïque. Il y en a cependant qui ont trouvé la Foi à bord, et même qui ont décidé d’en faire leur chemin de vie. En témoigne Christophe Bail qui a travaillé à bord de deux sous-marins français et qui, sur sa bannette, a senti la présence de Dieu en voyant le Golgotha et la croix du Christ. Il a donc décidé de quitter la Marine pour devenir Diacre, puis aumônier militaire et enfin Chapelain. Ce qui lui manque le plus de ces années sous l’eau, c’est « la fraternité qui unissait tous les membres d’un équipage ».
Le cas des musulmans est particulièrement intéressant. Hors service, ils sont tenus de prier cinq fois par jour (certains combinent les deux premières et les deux dernières prières de sorte qu’ils finissent par devoir s’arrêter pour la prière seulement trois fois). En mission, l’Islam a des règles spéciales pour les soldats. Un soldat est autorisé à prier pour deux, de sorte que tout le monde soit couvert, même le samedi pendant l’exercice. A bord d’un sous-marin, ils n’hésitent pas à venir au PCNO avant la prière pour demander la route du sous-marin afin de trouver la Qiblah (direction de la Ka’abah à la Mecque). Le tapis ou une natte (voire un carton) est apprécié et également un accès à l’eau le lavage rituel avant la prière. Le fait de posséder un Coran et un misbahah (chapelet) ne pose pas de problème car peu encombrant.
Pakistan, Iran
Dans les pays coraniques, le Coran (24 :40) dit « [Les actions des mécréants] sont encore semblables à des ténèbres dans une mer profonde : des vagues la recouvrent, [vagues] au-dessus desquelles s’élèvent [autres] vagues, sur il y a [d’épais] nuages. Ténèbres [entassées] les unes au-dessus des autres. Quand quelqu’un étend la main, il ne la distingue presque pas. Celui qu’Allah prive de lumière n’a aucune lumière ». On ne peut pas dire que c’est encourageant pour les sous-mariniers. Mais cela ne les empêche pas de prier. Petite anecdote : Prier sur le pont, c’est pratique pour faire son salawat (prière avec mouvements), il y a de la place. Mais quand on est en patrouille, c’est délicat. Surtout quand le commandant n’est pas au courant. Cette mésaventure est arrivée sur le PNS Mangro (Classe Agosta), lors de la formation de l’équipage pakistanais par la Marine française. L’équipage pakistanais, non coutumier des obligations militaires et des risques encourus lors de ce genre d’initiative, avait décidé d’aller prier à l’extérieur. Quand l’alerte de combat a été divulguée à bord, il n’y avait plus personne…
Etats-Unis
Aux Etats-Unis, une directive dit que l’Armée accorde une grande importance au droit de ses soldats d’observer les principes de leurs religions respectives ou de n’observer aucune religion. La Navy accorde donc les demandes d’accommodement des pratiques religieuses, à moins que l’accommodement n’affecte négativement la nécessité militaire, y compris l’état de préparation de l’unité, l’état de préparation individuel, la cohésion de l’unité, le bon ordre, la discipline, la santé et / ou la sécurité des soldats et des unités ». Certains groupes religieux ont des exigences de culte qui entrent en conflit avec la disponibilité normale du soldat pour le service (par exemple, adorer des jours autres que le samedi ou le dimanche, un sabbat de 25 heures ou des jours ou périodes saints spéciaux). Ceux-ci seront accueillis sauf lorsque cela est exclu par nécessité militaire. Si le temps requis pour le culte religieux tombe dans les heures normales de service ou les listes de service, le soldat peut demander une dérogation à ces heures et listes. Le soldat, cependant, doit être prêt à effectuer d’autres heures de service. Les commandants peuvent accorder un congé ordinaire en option aux soldats qui souhaitent observer de longues périodes ou jours sacrés. Mais reconnaissons que prendre des congés quand on est à 300 mètres sous la surface, c’est compliqué. Toujours aux Etats-Unis, il y a 98 différentes religions auxquelles les marins de la Navy s’identifient. 26,3% des militaires s’identifient comme n’ayant aucune préférence religieuse, et 70% déclarent qu’ils feraient confiance à leurs camarades quelles que soient leurs croyances religieuses.
Si un marin constate des infractions à sa liberté religieuse, il existe des organisations auprès desquelles il peut déposer des plaintes auprès de sa chaîne de commandement. Si le marin ne fait confiance à personne dans l’armée pour y faire face, il peut également déposer une plainte auprès de la Military Religious Freedom Foundation. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un groupe de surveillance civile qui garantit que chaque membre de l’armée ait droit à ses croyances religieuses.
Royaume Uni
En Angleterre, la Royal Navy a même créé un site web pour recruter des officiers aumôniers. On y précise que vous aurez six semaines de vacances, des indemnités supplémentaires pour les jours en mer, des soins médicaux gratuits et que vous pourrez voyager. Accessoirement, vous devez être membre du clergé de l’une des églises suivantes : anglicane, catholique romaine, église d’Écosse, congrégationnelle, presbytérienne, baptiste, réformée unie, assemblées de Dieu, pentecôtiste, méthodiste ou églises en communauté. Leur titre est alors celui de « Chaplain Royal Navy ».
Ils sont généralement appelés Padre, Révérend ou de manière plus informelle Bish. Lorsqu’il n’y a pas d’aumônier à bord, le service doit être assuré par un Capitaine et le commandant du sous-marin ne peut pas lui donner des missions prioritaires le dimanche en lieu et place de l’Office. Ce dernier pioche ses textes dans le livre de la prière commune. Il a été composé, probablement par Mgr Sanderson, quelque part vers le milieu du XVIIe siècle, une période où la langue anglaise était à son plus noble.
Je cite « O Éternel Dieu, qui seul étend les cieux et domine la fureur de la mer ; qui ont entouré les eaux de limites jusqu’à la fin du jour et de la nuit : soyez heureux de recevoir dans votre protection toute-puissante et très gracieuse les personnes d’entre nous, vos serviteurs et la flotte dans laquelle nous servons… »
Allemagne
Hitler avait interdit les aumôniers au sein de son armée et ce n’est qu’en 1957 qu’ils ont été réintroduits dans les effectifs. Aujourd’hui, on procède d’une manière proche de celle de la France : La liberté de croyance, de conscience et la liberté de croyance religieuse et idéologique sont inviolables – La pratique non perturbée de la religion est garantie – Nul ne peut être contraint de faire son service militaire avec une arme contre sa conscience – Le soldat a droit à la pastorale et à la pratique de la religion sans être dérangé – La participation au service est volontaire. Historiquement, les aumôniers n’étaient que de profession protestante et catholique. Ce n’est qu’en 2015 que la Marine a décidée de se faire accompagner de membres ou « points de contacts » pour prendre en compte les besoins des Yézidis, d’Hindous, de Sikhs ou du clergé orthodoxe russe. En 2019, on ouvre officiellement une Aumônerie juive dans l’Armée allemande. Petit détail d’importance : On utilise en Allemagne le terme de « U-Boot-Christen » ou « Chrétien sous-marin ». C’est un peu péjoratif. Il s’agit de Chrétiens qui ne viennent dans les églises que pour les grandes fêtes religieuses comme Noël. Rien à voir avec la sous-marinade. Ouf !
Norvège, Pays-Bas
Aux Pays-Bas, il y a des aumôniers pour les protestants, catholiques, juifs et musulmans. En Norvège, on les appelle des Feltprestkorpset. Aucune information ne transpire sur le culte à bord des unités sous-marines. Ceci n’est pas étonnant quand on sait que seuls 19% des Norvégiens croient que Dieu existe (Luthéranisme) et 42% des Néerlandais se déclarent sans religion.
Grèce
La Marine grecque est orthodoxe et le revendique avec sa croix à côté du trident sur le drapeau officiel de la Marine. Chaque année, le 6 décembre, la Marine célèbre le saint patron d’Agios Nikolaos. Agios Nikolaos est considéré comme le protecteur des marins car lors d’un voyage en bateau vers la Terre Sainte, il a accompli un miracle. Pendant le voyage, une tempête a éclaté, provoquant la panique de l’équipage et des passagers. Mais le Saint n’a pas perdu sa foi, il a prié Dieu et la mer s’est calmée. On raconte qu’un marin a glissé, est tombé du mât et a été tué. Mais Nicolas a prié avec ferveur et le marin a été ressuscité. Depuis, le 6 décembre est férié dans la Marine. L’un des miracles les plus célèbres du Saint, concerne le légendaire sous-marin Papanikolis en 1940, qui a été sauvé dans une bataille très dure dans le détroit d’Otrante, en face de la ville de Bari, où se trouvent les reliques de Saint-Nicolas. Miraculeusement, pendant la bataille, trois pièces de monnaie ont été collées sur l’image du Saint, où les marins avaient prié pour être sauvés du feu des ennemis. Le sous-marin a ensuite coulé un navire italien avec exactement trois torpilles, autant que des pièces de monnaie.
Inde
L’Inde lance également ses sous-marins avec la présence d’officier religieux. En 2017, à l’occasion du cinquantenaire de la sous-marinade indienne, les quatre représentants des principaux cultes religieux ont prié devant l’étendard de la Flotte. En Inde, le règlement a changé pour permettre aux Sikhs de garder leur turban religieux (Dastar) à bord sans devoir pour autant mettre un autre couvre-chef militaire au-dessus. Pratique, car le plafond est bas ! Chaque année on célèbre la fête du Yoga. L’équipage investi alors la salle des torpilles ou le pont du sous-marin pour y célébrer cet évènement hautement spirituel.
Russie
Igor Britanov, capitaine du sous-marin soviétique K-219 disait « La vie sous-marine n’est pas un service, mais une religion ». Chez les Russes, il est vrai que la religion et le communisme n’ont pas fait bon ménage pendant des décennies. S’il y avait un culte à célébrer, c’était bien celui du Parti avec une photo de Staline au carré et un Commissaire Politique (Politrouks) pour s’en charger. Mais l’arrivée (déjà ancienne) de Vladimir Poutine a remis l’église orthodoxe au cœur de l’armée. Ainsi, tous les lancements des sous-marins russes sont effectués sous la bénédiction d’un prêtre qui est au cœur des débats et au centre des objectifs photos. Une véritable star. L’église de Kronstadt a même en son sein un sous-marin en acier chromé de Type Lada pour lui servir de réservoir d’eau bénite.
Mais pourquoi sanctifier un sous-marin ? L’église répond que « tout a besoin d’être sanctifié, et les laïcs pieux ne le négligent pas, lorsqu’une chose achetée, par exemple, dans un magasin, est aspergée d’eau de baptême, une certaine prière est lue. Toute chose exige qu’elle soit sanctifiée par Dieu pour une utilisation plus correcte de celle-ci ». A bord, lorsque le prêtre est invité, son travail consiste à éveiller les âmes chrétiennes endormies qui ont reçu le baptême et qui ne sont pas formées pour travailler spirituellement. Le Père Hiéromonk Benjamin (basé à Severodvinsk et lui-même ancien sous-marinier) explique : « Si une personne remplit pieusement ses devoirs, ses actes seront pesés et évalués à la fin de sa vie, que vous soyez même commandant ou simple marin. Si vous êtes chrétien, vous ne pouvez pas tricher pour votre propre confort ; vous remplissez vos devoirs non pas avec la crainte d’être puni par votre patron, mais avec la crainte de Dieu ». Il ajoute « Tout dépend du commandant. L’état spirituel aussi. Si le commandant s’inquiète à ce sujet, comprend l’importance de la vie spirituelle, cela se reflète dans tout son équipage. En priant pour ses enfants devant Dieu, il les conduit dans la mer. S’il organise la prière, alors l’équipage le suit. On peut retracer cette religiosité et une vie spirituelle plus développée dans ces équipages qui doivent résoudre des tâches sérieuses, importantes et risquées ».
Maintenant, dans les faits, moins de 50% des militaires russes sont orthodoxes. Ils sont plus fidèles aux traditions locales. Il y a environ 150 prêtres au sein des armées russes et tous sont de confession orthodoxe. Il y a trop peu de musulmans et de juifs dans la Marine pour diversifier la pratique des cultes à bord.
Indonésie, Thaïlande
En juillet 2020, une photo prise sur un sous-marin indonésien a fuitée sur Instagram@indonesian_military où l’on y voit des marins prier Allah sur le pont, les tapis tournés vers la Mecque à quelques miles de la côte. Preuve que la pratique de religion y est également favorisée.
On retrouve cette même dévotion en Thaïlande.
Espagne
L’Espagne n’est pas en reste. En témoigne la devise du sous-marin Mistral (Classe Agosta) : « Dios nos guarde de todo mal…¡ y de racha del Mistral ! » soit en français « Dieu nous garde de tout mal… et de la série du Mistral ! ».
Pérou
Au Pérou, pays profondément chrétien, où on y recense même un miracle. Le 26 août 1988, le sous-marin Pacocha entre en collision avec le bateau de pêche japonais Kiowa Maru. Après la mort du capitaine du sous-marin, le lieutenant Roger Cotrina s’est rendu compte qu’il serait humainement impossible d’éviter une tragédie, car la pression de l’eau empêchait l’équipage de fermer le compartiment qui les aurait maintenus en vie. « Je ne pouvais plus respirer et j’ai donc commencé à penser aussi fort que possible à Sœur Maria Petkovic (fondatrice de la Congrégation des Filles de la Miséricorde). J’ai fermé les yeux et j’ai prié. J’ai répété la prière que j’avais entendue, j’ai pensé à elle et soudain j’ai vu une lumière brillante », a-t-il dit. A ce moment, une force surnaturelle l’aida à fermer la porte. Une commission militaire a déterminé plus tard que ce qu’avait fait Cotrina était humainement impossible. Huit membres d’équipage sont morts au cours de l’accident, mais les vingt-deux survivants ont déclaré que c’était grâce à l’intervention de Mère Maria de Jesus qu’ils étaient en vie et qu’elle les avait aidés à éviter un plus grand drame. La religieuse croate a été béatifiée le 6 juin 2003 par le pape Jean-Paul II, pour ce miracle. Le lieutenant Cotrina et sa femme ont participé à la cérémonie et un documentaire a été réalisé en 2007 sur ce « miracle ».
Israël
Dans la bible hébraïque (Job 40:18), on lit que Jonas (prophète des trois religions abrahamiques que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam) a été avalé par un grand poisson. On y ajoute « Ses os sont des tubes de bronze, ses membres comme des tiges de fer » … Jonas arrive même à y vivre de trois jours et trois nuits. Il faudrait être aveugle pour ne pas y voir un sous-marin…
Pour les sous-marins israéliens, un ingénieur a mis au point des lampes halakhiques électriques (Shabbat Lee-Ner) pour la prière du Shabbat qui répondent aux normes de sécurité interdisant les flammes nues sur les sous-marins militaires. Ce système utilise une batterie plutôt que le secteur électrique, et parce que le revêtement en plastique de l’ampoule est transparent, on peut réciter la bénédiction d’allumer des bougies de Shabbat lors de l’utilisation de l’appareil. Le centre de recherche sur la halakha à Alon Shvut a déclaré que les lumières électriques de Shabbat Lee-Ner récemment publiées sont conformes aux exigences de la loi juive d’allumer des bougies vendredi soir tout en évitant tout problème de sécurité lié à l’utilisation d’une flamme nue. L’organisation explique que l’appareil utilise une petite ampoule à incandescence, qui dans Halacha est considérée comme un feu et est donc autorisée, dans les circonstances nécessaires, à se substituer à la flamme d’une bougie en cire.
Dans le Livre des psaumes, le Cantique des ascensions précise « Des profondeurs, je vous crie ». Ces mots prennent un sens différent, lorsqu’un rouleau de la Torah d’un type particulier est placé dans les sous-marins de Tsahal. Chaque base permanente des Forces de défense israéliennes a un rouleau de la Torah qui est lu le Shabbat, ainsi que les lundis et jeudis. Avant 2010, aucun rouleau de la Torah n’était embarqué à bord car peu de soldats religieux n’y exerçaient leur métier. Mais depuis, la situation a changé, après que des étudiants de yeshiva hésitants et même un combattant haredi aient rejoint l’unité. Une famille qui avait par le passé fait don de plusieurs rouleaux de la Torah à des bases militaires a décidé récemment d’en donner un autre, et le rabbin militaire qu’ils ont approché a suggéré qu’ils en donnent à la flotte sous-marine, dont les combattants passent souvent de longues périodes sous l’eau. Il n’y avait qu’un seul problème : un sous-marin est un navire avec une place très limitée, dans lequel chaque espace est bien calculé. En d’autres termes, il n’y a pas de place pour un rouleau de Torah standard. La famille a donc réalisé un parchemin qui ferait environ un quart de sa taille normale, de sorte qu’il puisse être rangé dans un étui de la taille d’une boîte à chaussures.
Chine, Corée du Nord
En Chine, Xi Jinping intensifie ses actions en faveur de la suppression des religions étrangères au sein du peuple (dans une population de 350 millions de croyants). On parle même de persécution (les bibles sont interdites, les croix brûlées et les cercueils exhumés). Le Parti communiste chinois considère le bouddhisme chinois et le taoïsme comme des outils pour rassembler les cœurs des gens, présentant le gouvernement chinois comme le porte-drapeau et le défenseur de la culture traditionnelle chinoise. Mais dans les faits, tout est sous contrôle. Dans les sous-marins, la religion, c’est le parti ! Comme en Corée du Nord.
Japon
Depuis la déchéance de l’empereur, il n’y a plus de religion d’état et la plupart des Japonais ont une vision neutre de la religion et en pratiquent plusieurs dans leur vie. Ils s’identifient principalement au bouddhisme et au shintoïsme. De ce fait, on ne note aucune pratique de la religion dans les Forces d’Autodéfense et encore moins dans les sous-marins.
Corée du Sud
En Corée du Sud, il existe une coutume de prier pour la sécurité en passant des tests avant de déployer des armes. Ceci étant, la majorité des habitants (56%) n’ont pas de religion, mais le christianisme et le bouddhisme sont les deux courants majoritaires. Un sous-marinier explique cependant : « L’encouragement à la vie religieuse dans l’armée est également un moyen de renforcer la puissance mentale de chacun par la foi. Puisque nous croyons que le pouvoir de l’Absolu s’étend également à l’eau, nous louons et chantons, prions, méditons et nous nous tenons dans le même espace pour nous rappeler notre gratitude pour une navigation sûre et notre détermination à accomplir la mission ».
Italie
L’article 11 du concordat avec le Saint-Siège dispose que l’appartenance aux forces armées et de police ne peut donner lieu à aucune entrave à l’exercice de la liberté religieuse. Dans la tradition de la Marine, la prière du marin est le texte qui se lit à bord des navires en navigation, aussi bien lors de la cérémonie de la descente du pavillon qu’à la fin des messes ; la prière est lue par le plus jeune officier à bord et la lecture de la prière est rendue obligatoire à partir de 1909. Extrait « A Toi, grand Dieu éternel, Seigneur du ciel et de l’abîme, à qui obéissent les vents et les vagues, nous, hommes de la mer et de la guerre, officiers et marins d’Italie, dans ce navire, arme sacrée de la Patrie, élevez nos cœurs. Sauve et exalte notre nation dans ta foi, ô grand Dieu… ».