Brejnev, Gorshkov et le fauteuil du Pacha

Leonid Ilyich Brejnev, qui a dirigé l’URSS pendant 18 longues années, est généralement connu pour être un personnage peu sympathique. Mais c’est mal connaître toute son histoire et sans occulter certains de ses travers, il faut reconnaître qu’il pouvait se montrer généreux, ou tout du moins efficace. Le plus bel exemple de ce trait de caractère se dévoile lors d’une de ses visites à la base navale de Gremikha.

Nous sommes en mai-juin 1967, et notre L.I. Brejnev visite Mourmansk et en profite pour se rendre sur toutes les bases navales de la flotte du Nord.

Parmi toutes ces bases ; Gremikha (Ostrovnoy). Pour ceux qui n’y sont jamais allé en vacances, Gremikha est un village de la péninsule de Kola, où étaient basés une partie des sous-marins de la flotte du Nord. C’est à Gremikha que les premiers navires soviétiques à propulsion nucléaire du Projet 627 ont été transférés à partir de Zapadnaya Litsa. Gremikha était aussi appelée « la ville des chiens volants » en raison des vents forts qui sévissaient dans cette région. Il y avait des câbles tendus entre les maisons, auxquels les citadins s’accrochaient pour passer dans les rues par vent fort. Un vrai paradis.

Début juin, Brejnev et autres invités de marque prennent la mer à bord du croiseur Mourmansk, où ils assistent à une série d’exercices de combat et au lancement sous-marin d’un missile balistique à partir d’un sous-marin nucléaire.

Lors d’une de ces traversées maritimes, Leonid Ilyich Brejnev a invité le commandant du croiseur, capitaine de 1er rang, à sa table. Ce dernier lui aurait répondu que la place du commandant était sur le pont. Quelque temps plus tard, il fut nommé au grade d’amiral.

Péninsule de Kola
La ville des chiens volants
Pas de doléances particulières pour celles-ci !

Arrivés à Gremikha, toute la petite bande prend un bain de foule avec les habitants de la ville.

Bien qu’il soit formellement interdit à toutes les épouses des marins de parler de problèmes, elles décident tout de même d’aborder le secrétaire général pour leur narrer leurs soucis quotidiens : que les journaux viennent une fois par semaine, que la télévision promise n’était toujours pas arrivée, qu’il y a une seule pièce dans les appartements et que le marin à son retour n’a aucun endroit pour se reposer quand il y a des enfants, que le verre de 3 mm des fenêtres ne résiste pas au vent, etc.

Après avoir écouté les épouses, Leonid Ilitch s’est tourné vers son équipe et a prononcé la phrase historique : « Camarades, nous devons le faire… » – et après une courte pause a ajouté : « … afin que les gens puissent assister confortablement à la célébration du cinquantième anniversaire du pouvoir soviétique. » Cinq mois plus tard, le 7 novembre 1967, la chaîne de télévision “Orbit” a été lancée à Gremikha. Un peu plus tard, la construction de maisons avec un nouvel agencement et des fenêtres à triple vitrage a commencé à sortir de terre. A la fin des années 60, la Maison des Officiers, une école et un hôpital sont inaugurés dans le village.

D’autres faits marquants ont égaillé cette visite officielle.

Un marin se souvient : « En quittant le sous-marin, vous étiez censé vous essuyer les mains avec de l’alcool. Pour satisfaire à se décrassage, le contremaître-dosimétriste se tenait près de la coursive avec une grande tasse. Mais compte tenu de la nature des travaux effectués à bord, il restait toujours de la crasse incrustée sur les paumes. Leonid Brejnev a sacrifié à la tradition et en sortant du sous-marin il lança à Kossyguine (Président du Conseil des Ministres), qui n’était pas un comique, « Alexey, viens ici, ils donnent de l’alcool ici ! »

Précédent la visite de L.I. Brejnev à Severodvinsk, le commandant en chef de la marine Sergei Georgievich Gorshkov et le secrétaire du Comité central du PCUS, (curateur) du complexe militaro-industriel Dmitry Fedorovich Ustinov sont montés à bord du K-137 (navire de tête 667A du projet, « Leninets »).

Gorshkov s’est rendu au poste central, a regardé autour de lui et a demandé : « Où est la place du commandant ? » Le commandant du K-147 (Projet 671 Victor I) Berezovsky V.L. a répondu en faisant un large cercle de la main : « Partout » Gorshkov a répondu : « Non, ça ne va pas. Il est nécessaire que le commandant ait une certaine place… Ici, installez un siège d’aviation pour le commandant… » Une semaine plus tard, un siège est apparu – Une première sur les sous-marins et qui perdure encore de nos jours. Il en existe même un modèle officiel pour tous les sous-marins soviétiques de cette époque.

K-137 dans son port d'attache
Sergei Georgievich Gorshkov
Le fameux fauteuil !

Aujourd’hui, le fauteuil du Pacha n’est pas à prendre à la légère. En 2018, le NIPTB « Onega » organisait la Xème conférence scientifique et technique « Ship Furniture ». 

Concepteurs et fabricants de mobilier de navire, fournisseurs de matériaux et de composants, spécialistes des laboratoires d’essais, représentants de la Marine et des organismes de réglementation se sont réunis pour échanger des informations, démontrer leurs réalisations à leurs collègues et trouver des moyens d’optimiser les processus de travail. La conférence réunit 100 spécialistes de Saint-Pétersbourg, Moscou, Zelenodolsk, Tver, Nijni Novgorod et, bien sûr, de Severodvinsk. Dans l’auditorium de Severodvinsk, tout le monde pouvait toucher, s’asseoir dans le fauteuil du commandant du sous-marin, voir à quel point c’était confortable. La chaise pouvait pivoter à 360 degrés, s’incliner à 135 degrés, monter et descendre, se déplacer d’avant en arrière et, bien sûr, supporter de lourdes charges. 

Ça ne rigole plus chez les Russes ! 

Il est vrai que les anciens fauteuil soviétiques laissaient à désirer (Projet 641 Foxtrot) ...
Un fauteuil de dernière génération
Translate »