INDE
Lorsque les Chinois ont occupé les îles Paracels en 1974, puis revendiqué les îles Spratleys, l’Inde a bien compris qu’il lui faudrait un jour ou l’autre affirmer sa position stratégique dans l’Océan Indien. Les Américains, trop soucieux de mettre la Chine de leur côté face à l’Union soviétique, ne semblaient pas vouloir lever le petit doigt.
L’essor de la marine indienne en était pourtant à ses balbutiements et rien n’avait été simple depuis la fin du conflit mondiale. Les Anglais avaient refusé d’aider l’Inde dans l’acquisition de trois sous-marins de Classe Porpoise/Oberon en 1959 et c’est finalement l’URSS qui lui vendit huit Foxtrot entre 1967 et 1974. En 1969, une équipe de 20 officiers et 100 marins sont donc partie en URSS pour se former. En 1980 l’Allemand HDW ne lui vent que quatre Type 209 (au lieu des six prévu). Pour aggraver les choses, l’Inde a également dû rendre prématurément le SSN de Classe Charlie qu’elle avait loué à l’URSS pendant dix ans, il n’avait servi l’Indian Navy que pendant trois ans à peine. Finalement, c’est encore l’URSS qui vient à son aide avec dix Kilo (non climatisés) entre 1986 et 2000. La décision est alors prise de se constituer une flotte construite localement.
La doctrine maritime indienne de 2015 insistait sur la nécessité de manifester une forte présence de la marine dans la région de l’océan Indien, de renforcer la défense des côtes et d’afficher une volonté de protéger les voies de communication. Cet objectif impliquait un programme ambitieux de renforcement des capacités dans le cadre de « Make in India », reposant sur des installations de construction navale locales et plaidant pour un processus d’indigénisation encore loin d’être achevé, en particulier dans le domaine des systèmes de propulsion.
Aujourd’hui, plus de 40 navires de guerre et sous-marins sont en commande ou en construction.
Partie intégrante de la triade nucléaire couvrant les modes terre-air-mer, Le SSBN Arihant (adaptation d’une conception fournie par la Russie mis en service en 2016) est le seul sous-marin nucléaire balistique opérationnel de l’Inde. Un deuxième SSBN, l’INS Arighat, a été lancé en novembre 2017. Il est prévu de construire trois autres navires de la Classe Arihant avant que de développer une nouvelle Classe (S5). L’Inde ne possède donc pas à ce jour d’une dissuasion permanente à la mer (CASD – Continuous At Sea Deterrence) qui nécessite au moins quatre SSBN en état de fonctionnement. Entre-temps, le bail de dix ans du sous-marin russe d’attaque nucléaire de Classe Akula-II signé en 2011 aura expiré. Les six sous-marins de Classe Scorpène construits à Mazagon Dock Shipbuilders avec l’expertise de Naval Group (le quatrième a été lancé en mai 2019) constituent un ajout important et un saut technologique sur une flotte sous-marine vieillissante composée principalement de Type 209 allemands construits sous licence par Mazagon Dock Shipbuilders à Bombay et de Kilo Russes. L’histoire des 209 allemands avait été entachée par des soupçons de corruption entre HDW et des agents indiens et Singh avait dû démissionner de son poste de ministre de la Défense en 1987. Le Projet 75(I) envisage l’acquisition de six autres sous-marins classiques d’attaque diesel-électrique pour lequel Naval Group est un prétendant sérieux. La marine veut que les sous-marins soient équipés de missiles de croisière d’une portée de 500 kilomètres, comprenant au moins douze missiles de croisière (attaque au sol et anti-navires). Ce nouveau marché est estimé à près de 7,25 milliards de dollars.
La marine indienne prévoit donc d’exploiter une combinaison de sous-marins nucléaires et conventionnels afin de patrouiller dans la zone comprise entre le détroit de Malacca et la région de l’océan Indien. Alors que la marine indienne exploite plus de 100 sous-marins et navires de guerre de surface, la marine pakistanaise (son ennemi de toujours) en possède environ 20. Le Pakistan exploite cinq sous-marins (deux Agosta 70 et trois Agosta 90B, les trois Classes Daphnés ayant été déclassées en 2006) mais, à l’heure actuelle, un seul sous-marin est partiellement opérationnel, les autres faisant actuellement l’objet de réparations majeures. Le projet indien est également perçu comme une motivation pour s’attaquer à la Chine qui opère dans la région de l’océan Indien.
Dans le cadre de la défense de l’océan Indien, le pays peut compter sur les Etats-Unis, l’Australie, le Japon, l’Indonésie, Singapour, la Thaïlande et la France.
De son côté, la Chine a augmenté sa présence en surfant sur la multiplicité de ses bases et de ses alliés comme au Sri Lanka ou au Pakistan où Pékin a confirmé la vente de quatre sous-marins diesel-électrique de Type 041 Yuan et d’un transfert de technologie pour la construction de quatre autres sous-marins. En mars 2017, la marine bangladaise a mis en service deux Types 035G de Classe Ming. Ces deux pays, avec la Birmanie, sont les principaux clients des équipements militaires chinois.
Un beau terrain de jeu…