Classe Hotel I, II, III - Projets 658 & 701

(1959 - 1990)

Mise à jour 28 avril 2024

  • Période service : 1959 – 1990
  • Bureau d’études : TsKB 18 (Rubin)
  • Prévu : 14
  • Réalisés : 14
  • En service : 0
  • Perdu : 0
  • Propulsion : Nucléaire
  • Hélice : 2 x 6 pales
  • Longueur : 114,1 m
  • Maître-bau : 9,2 m
  • Déplacement S/P : 4.095 – 5.080 t
  • Profondeur : 300 m
  • Vitesse surface : 18 nds
  • Vitesse plongée : 26 nds
  • Equipage : 104
  • Armement : Torpilles, missiles (B)
Projet 658M (Hotel II)

La Classe Hotel (ou Projet 658) est une Classe de sous-marins nucléaires lanceur d’engins initialement mis en service par l’Union soviétique vers 1959.

Les sous-marins de cette Classe embarquaient un système de lancement D-2 et des missiles R-13. Le projet de construction de ces sous-marins a été approuvé le 26 août 1956. Cette Classe est basée sur la Classe November (Projet 627), modifiée en ajoutant le compartiment missile des sous-marins de la Classe Golf. Pour lancer ses missiles, les sous-marins de Classe Hotel devaient remonter en surface pour être en capacité de tirer leurs trois missiles après avoir émergé pendant douze minutes. En immersion, leur vitesse maximale est de 26 nœuds et de 18 nœuds en surface.

La phase de test de ces nouveaux bateaux ayant été passablement bâclée, de nombreux officiers ont estimé que les navires n’étaient pas aptes au combat. En revanche, l’équipage y bénéficiait d’un confort appréciable avec une alimentation de qualité.

Il y eut plusieurs versions (et donc de Projets) de la Classe Hotel.

Projet 658 au Musée Central de la Marine (Photo AB Karpenko)
K-19 en démolition dans le chantier de Nerpa en 2003
Projet 658 (Musée du Club de la Marine de Sébastopol)

Variation des Projets

Projet 658 (Hotel I)

Version initiale (dont le K-19). Le dernier des huit exemplaires a été lancé en 1962. Système de lancement D-2 et missiles R-13 (SS-N-4).

Projet 658M (Hotel II)

À partir de 1961 et jusqu’en 1963, tous les Hotels sauf un (K-145) ont été équipés du nouveau système de lancement D-4 et de missiles R-21 du complexe D4 (SS-N-5 Serbes) d’une portée de 650 mn pouvant être tirés à une profondeur de 16 m. On ne voit plus les contours des ouvertures des silos sur le haut du massif.

Projet 629B

Première version dotée de deux missiles R-21 et d’un missile RT-15. Il fut modifié en Projet 629A (Golf II) par la suite.

Concerne 1 unité (K-142) en 1961.

Projet 658S (ou 658C)

Conversion entre janvier 1976 au 30 novembre 1979 pour tester des prototypes de divers dispositifs et systèmes de radiocommunication comme l’antenne remorquée « Zalom ». Les missiles ont été retirés pour répondre au traité SALT-1 signé en 1977. Le sous-marin a également été transformé pour le transport de commandos.

Concerne : 1 unité (K-19).

Projet 658U

Suppression des silos missiles (par suite des accords SALT I). Ils ont été transformés en Projet 658U comme sous-marins de transmission dans le Pacifique. Les munitions des torpilles ont été réduites et le service des navires s’est prolongé jusqu’en 1988-1990.

Concerne 2 unités (K-55 (54 ?) et K-178) entre 1981 et 1984.

Projet 658T 

Les quatre navires restants : K-33, K-40, K-16 et K-149 ont également été privés de leurs silos à missiles. et K-178) entre 1981 et 1984.

Projet 658MOX

Version pour tester le MOX (propulsion nucléaire)

Concerne : 1 unité (K-33)

Projet 701 (Hotel III)

De 1969 à 1970, le Projet 701 a modifié le K-145 afin de tester les missiles R-29. Il a été allongé à 130 mètres (au lieu de 114 m) et son déplacement porté à 5.500 tonnes de surface et 6.400 tonnes en immersion. La vitesse maximale a été réduite à 18 nds en surface et à 22 nds en plongée. Six silos missiles R-29 ont été placés dans deux compartiments, chacun avec trois lanceurs. En 1976, le K-145 est revenu au service dans les unités de combat.

Concerne : 1 unité (K-145) entre 1969 et 1976.

Projet A658

Projet A658

Version avec système d’armes D-7 (D-5) avec 16 missiles balistiques R-27 en 1963. Abandonné au stade de l’avant Projet.

Accidents du K-19 (Hiroshima)

Source Wikipedia

Le K-19 est le deuxième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de la Classe Hotel de la Marine soviétique. Entré en service fin 1960, il est le premier sous-marin soviétique à être équipé de missiles balistiques R-13. La conception et la construction du sous-marin sont accélérées, les Soviétiques étant désireux de rattraper le retard accumulé vis-à-vis des sous-marins américains. En effet, contrairement aux SSBN américains, les sous-marins soviétiques ne pouvaient pas tirer de missile balistique en immersion. Le dispositif de lancement sera modernisé par la suite.

Dix ouvriers et marins meurent dans des accidents et incendies pendant sa construction (incendie, émanations, accidents, chûtes, écrasements, etc.).

Lors de son baptême, la bouteille de champagne ne se casse pas sur la coque recouverte de caoutchouc. Après son entrée en service, il connaîtra un grand nombre d’accidents et dysfonctionnements, dont plusieurs menaceront de le faire couler.

Lors de son premier voyage, le 4 juillet 1961, il subit une fuite du liquide de refroidissement de son réacteur. Ne disposant pas de système auxiliaire, le Capitaine ordonne aux membres de l’équipe d’ingénieurs présents à bord de trouver une solution pour éviter la fusion du réacteur nucléaire. Au sacrifice de leur vie (sept morts), vingt-deux membres d’équipage parviennent à dévier un système de refroidissement secondaire et à éviter la fusion du réacteur. La totalité de l’équipage est irradié et un risque de mutinerie germe au sein de l’équipage.  Refusant de l’aide des navires américains patrouillant sur zone, le Commandant Zateyev obtient l’assistance d’un autre sous-marin soviétique (Classe Whiskey S-270) et parvient à évacuer une partie de l’équipage avant de réussir à rejoindre son port d’attache. Les sept membres de l’équipe technique et leur officier divisionnaire sont morts de l’exposition aux rayonnements au cours du mois suivant. Quinze autres marins sont morts au cours des deux années suivantes. Le film « K-19 Piège des profondeurs » retrace cet épisode tragique avec cependant quelques libertés par rapport à la réalité).

Après son retour, le chantier des réparations contamine toute la zone et le réacteur endommagé est jeté dans la mer de Kara. Le 6 août 1961, 26 membres de l’équipage sont décorés pour le courage et la bravoure manifestés lors de l’accident.

Le 15 novembre 1969, à 19h13, le K-19 entre en collision avec le sous-marin d’attaque USS Gato dans la mer de Barents à une profondeur de 60 mètres. Il parvient à refaire surface en purgeant en urgence son ballast principal. L’impact a complètement détruit les systèmes sonar à l’arc et a endommagé les capots des tubes lance-torpilles avant. Le K-19 arrive à rentrer au port où il est réparé et rendu à la flotte. L’USS Gato était relativement intact et a pu poursuivre sa patrouille.

Le 24 février 1972, un incendie se déclare alors que le sous-marin se trouvait à une profondeur de 120 m, à quelque 1.300 km de Terre-Neuve, au Canada. Le bateau fait surface et l’équipage est évacué sur d’autres navires de guerre, à l’exception de douze hommes qui restent piégés dans la salle des torpilles arrière. Sous le commandement du lieutenant-commandant Boris Polyakov, ils arriveront à tenir en mangeant des rations froides et en buvant de force de l’alcool issu des torpilles ! La tempête retarde le remorquage et les secouristes ne parviennent pas à se rendre dans la salle des torpilles arrière en raison des conditions régnant dans la salle des machines. Le feu tue 28 marins à bord du K-19 et deux autres meurent après avoir été transférés sur les navires de secours. Les enquêteurs ont déterminé que l’incendie avait été provoqué par une fuite de fluide hydraulique sur un filtre chaud. Le lieutenant-commandant Boris Polyakov fut décoré de l’Ordre du Drapeau Rouge pour son exploit.

L’opération de sauvetage a duré plus de 40 jours et a impliqué plus de 30 navires. Le 5 novembre 1972, le K-19 a été réparé et remis en service. Le 15 novembre 1972, un autre incendie se déclare dans le compartiment six, mais il est éteint par le système d’extincteur chimique et ne fait pas de victimes. Ces évènements tragiques lui vaudront le surnom malheureux de « Hiroshima ». L’ancien président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev a proposé de nommer l’équipage du K-19 pour le prix Nobel de la paix, considérant qu’il a sauvé le monde d’une catastrophe nucléaire et d’une éventuelle guerre atomique.

Pendant l’été 2021, une expédition scientifique retrouvent le conteneur abritant le réacteur nucléaire qui avait été jeté en mer de Kara. On attend le résultat des prélèvements…

L’accident du 4 juillet 1961
L’accident du 4 juillet 1961
Lieutenant-commandant Boris Polyakov (1941-2021)
Par V.A. Pavlov – Juillet 2003

Sous ce titre provocateur, V.A Pavlov, journaliste russe, réagit de manière spontanée au film « K19 – Piège des profondeurs ». J’ai donc trouvé utile de retranscrire une partie de sa prose afin de montrer que la sensibilité à des faits dramatique varie d’un pays à l’autre. Sensibilité et points de vue que nous devons tous respecter. Ces écrits nous donnent aussi un éclairage particulier sur les motivations entretenues à bord de la flotte russe.

« A la télévision, il y avait une vile tradition que nous respections. Le 9 mai ou le 23 février, on nous donnait la possibilité de visionner un film hollywoodien. Ce coup-ci, c’était « K-19, Piège des profondeurs ». Ce film est un nouvelle fiction américaine basée sur des faits réels – un thriller conçu pour geler l’âme. Mais le sort tragique et héroïque du premier porte-missile sous-marin-nucléaire soviétique « K-19 » ne mérite qu’un drame héroïque, comme preuve de l’un des exploits les plus respectable de la nature humaine. Le Capitaine de 2e rang N.V. Zateeva s’est rendu dans une zone prédéterminée de l’Atlantique Nord, où il devait lancer un missile en émergeant de la glace arctique. C’est alors que s’est produit le premier accident nucléaire grave de la flotte soviétique – Le premier circuit du réacteur bâbord s’est rompu. En conséquence de quoi, une fuite est apparue et la protection d’urgence du réacteur s’est déclenchée. Pour empêcher le réacteur de fondre et de dégager des radiations, il était nécessaire d’éliminer la chaleur résiduelle en fournissant constamment de l’eau au réacteur. Il n’existait aucun système de ce type sur un sous-marin. Dans ces conditions, la question se pose non seulement de la contamination radioactive apparemment inévitable de la mer de Norvège, mais aussi de l’éventuelle troisième guerre mondiale. Grâce aux efforts héroïques de l’équipage, en seulement 2 heures, un système de refroidissement artificiel du réacteur a été fabriqué à partir de matériaux improvisés – les marins soviétiques ont de nouveau fait l’impossible. Mais à quel prix ! Pour construire ce système, les marins ont dû travailler dans des zones interdites du compartiment du réacteur, dans l’enfer atomique, où le rayonnement était plusieurs fois plus élevé que le niveau létal. Qui va là-bas décède nécessairement d’une mort douloureuse. 8 marins se sont portés volontaires pour cela. Avant d’entrer dans la chambre du réacteur, ils sont entrés l’un après l’autre dans le poste central et ont dit au revoir. Puis ils sont rentrés dans le cœur du réacteur. Lorsque les gars ont été transférés dans le sous-marin venu à la rescousse, ils avaient déjà perdu leur apparence humaine – toutes les parties du corps étaient terriblement enflées et chez les personnes encore en vie, les cellules de leur corps ont commencé à se décomposer. Lorsque la radioactivité qui en émanait a été mesurée, elle a dépassé plusieurs fois la létalité. Être à leurs côtés suffisait pour recevoir des radiations mortelles. Tout le personnel K-19 a reçu des doses importantes de rayonnement. 8 marins sont morts en héros presque immédiatement et 22 marins autres subirent le même sort après un certain laps de temps. Les sous-marins ont rempli leur devoir jusqu’au bout et sans la moindre contrainte.»

Qu’avons-nous vu à l’écran ? On nous a montré des marins tremblants et effrayés refusant d’aller dans le compartiment réacteur. Un équipage rebelle est apparu devant nos yeux, menaçant les armes de leur commandant. Le commandant était prêt à débarquer l’équipage sur le navire de l’ennemi (une corvette américaine). À qui d’autre ? – parce que le film et l’argent sont américains. Comme toujours – l’Américain est le meilleur, délicieux, humain, etc. etc. Le réalisateur américain K. Bigelow et le producteur E. Feldman ont refusé de mettre les événements du film en conformité avec la vérité vraie, même si, à la demande d’un consultant du capitaine I Rank S. Aprelev, le scénario ait été réécrit treize fois. Mettant en vedette Harrison Ford, qui jouait le rôle de commandant, le scénariste a menti directement dans son interview – “de toute façon, personne ne sait comment les événements se sont déroulés”. Le fait est qu’il y a eu plusieurs réunions entre l’équipe du film et l’équipage du K-19 à Moscou et à Saint-Pétersbourg – beaucoup d’entre eux, Dieu merci, sont encore en vie aujourd’hui. La seule chose que les marins ont réalisée a été un changement dans les vrais noms des participants aux événements.

Le film, qui se veut être une dénonciation du mode de pensée stagnante des Russes pendant la guerre froide, reste un ensemble de clichés compilés par Hollywood durant cette période. Le russe à l’écran, en particulier en celui qui gère les armes mortelles, devait avoir l’air borné, sinon brutal et agressif – et donc dangereux. Pourquoi diable l’héroïsme russe devrait-il être chanté ! Un véritable héros ne peut être qu’un Américain, comme H. Ford, qui écrase une foule d’agents des services spéciaux sous l’apparence du président dans le film d’action ” Air Force One ” ou, au pire, Rambo, qui tire avec des chars, des avions sur des foules de Russes avec un succès égal. Et toute cette turbidité est volontiers démontrée par notre télévision.

Mais cette télévision (russe) profondément américanisée et antinationale n’a même pas pris la peine de se tourner vers de nombreux exemples des actions imprudentes des Américains, lorsque seule la retenue de nos marins a empêché un conflit thermonucléaire. En novembre 1969, le sous-marin nucléaire USN Gato SSN-615 a mené une opération d’espionnage top secrète dirigée contre notre État. Le sous-marin était censé se rendre secrètement en position le plus près possible de nos côtes et effectuer des interceptions radio à des fins militaires. Le commandant du Gato, L. Burkhardt a reçu l’autorisation d’utiliser à sa discrétion toutes les armes à bord, en d’autres termes, le bateau pouvait déclencher une guerre. Le 15 novembre 1969 dans la mer de Barents (dans nos eaux territoriales près de la gorge de la mer Blanche), à 7h10, Le Gato, en position immergée est entré en collision à une profondeur de 70 m avec notre sous-marin. Ce sous-marin était notre ” K-19 “, qui venait d’être réparé. Le sous-marin américain est resté sous l’eau sans bouger, donc l’acoustique du K-19 ne l’a pas entendu. Les marins américains, avec leur technique tant vantée, les ont simplement défoncés. Suite à cette collision, le Gato a reçu un trou dans sa coque solide et s’est couché sur le fond. Le commandant désemparé de la section des torpilles a ordonné la préparation d’une torpille et d’un missile Sabrok doté une ogive atomique pour la destruction du K-19. À ce moment-là, notre sous-marin a émergé de toute urgence et le commandement était en train de comprendre ce qui s’était passé. Mais, heureusement, L. Burkhardt a fait preuve de retenue et n’a pas été irréparable. Ensuite, les Américains ont réussi à réparer la brèche et à revenir jusqu’à leur base.

Une question se pose : les Américains autoriseraient-ils la diffusion de films à la télévision où leurs compatriotes seraient devenus des idiots agressifs que quelqu’un bat constamment ? La réponse est évidente. Contrairement à la Russie moderne, le mot ” patriote ” en Amérique n’est pas synonyme d ‘” idiot “. Les patriotes sont élevés dès leur plus jeune âge. Amoureux de sa terre, de son histoire, de son drapeau et de son hymne. Les fonds alloués par les Américains sont énormes. Et ils n’ont pas à le regretter. Nous devons le regretter, en regardant nos jeunes branlants et corrompus, privés de directives morales. Faut-il s’étonner alors, qu’après avoir regardé de tels films, 70% des jeunes hommes ne veulent pas servir dans l’armée et défendre leur patrie.

Aujourd’hui, nous célébrons la Marine. Rappelons-nous, selon la tradition russe, de ces héros des sous-mariniers, qui ont répété à l’âge atomique l’exploit d’Alexandre Matrosov – obscurcissant avec leur corps le chemin de la mort atomique à travers le monde : Le capitaine de vaisseau Y. Povstiev, Le lieutenant B. Kornilov, le contremaître de premier rang Yu. Ordochkin, le contremaître de deuxième rang E. Kashenkova, le premier maître en chef V. Ryzhikov, le maître S. Penkov, le marin N. Savkin et le navigateur V. Kharitov.

Vous êtes avec nous – dans le bleu du ciel, le formidable bourdonnement de l’océan, le vert de l’herbe. Nous nous souvenons de vous – ce qui signifie que vous êtes en vie.

Pour clore ce chapitre sur le K-19, le sous-marin qui a été utilisé pour réaliser le film est le B-77, un Classe Juliett du Projet 651. Pour ce faire, il avait été remorqué à Halifax, en Nouvelle Ecosse et on a modifié son massif avec de la fibre de verre pour ressembler à un Classe Hôtel. Après le tournage, il a été transformé en musée dans la ville de Providence (Rhodes Island, USA). Il a coulé à quai en 2007 après une tempête, puis a été relevé en 2008. Pour finir, un incendie ravageur s’y est déclaré le 9 mars 2021. A croire qu’il a hérité de la poisse légendaire du véritable K-19.

Mémorial du K-19
Juliett utilisé pour le film K-19

Oups, touché !

En 1988, le K-178 soviétique (Classe Hotel) réceptionne une torpille d’exercice lancée par le Victor I (K-469).

Une belle frayeur !

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