Le naufrage du Bugaled-Breizh
Les faits
Le chalutier de 24 mètres de long, a coulé dans les eaux internationales, au large du cap Lizard (extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne) le 15 janvier 2004 à 13 h 23 locales. Il entraîne dans son naufrage les cinq marins du bord. Le chalutier, qui s’abritait de la tempête dans le petit port de Newlyn depuis le début de la semaine, était reparti et naviguait alors dans une mer relativement calme quand il lance un SOS. Un autre chalutier l’Eridan donne l’alerte et les secours sont lancés (deux hélicoptères, deux canots de sauvetage, un remorqueur, bateaux de pêche se trouvant à proximité). Moins d’une heure après, un hélicoptère de la Royal Navy remonte deux corps et, selon les témoins deux ou trois radeaux de survie sont repérés, mais ils sont vides. L’épave sera renflouée en juin 2004, cinq mois après le naufrage.Les hypothèses abandonnées
Au début, on évoque la possibilité d’une explosion à bord, une collision avec un cargo, une vague scélérate. Mais rapidement, on arrive à la conclusion que ces hypothèses ne tiennent pas la route. Ce qui apparaissait être un choc (voir la dépression de la coque sur la photo), s’avère être la compression de la cale à poisson sous la pression de l’eau. La collision ne tient plus. Le BEA (Bureau Enquête Accident) soutiendra que le naufrage a été causé par l’enfouissement du train de pêche (ce sera l’option retenue par le Procureur de la République) bien que des simulations informatiques de l’IFREMER affirmeront que cette théorie est impossible. Ce qui est certain, c’est que les coques bâbord et tribord sont enfoncées symétriquement. Cela sous-entend que l’implosion du bateau ne peut être due qu’à une plongée très rapide, l’air n’ayant pas eu le temps de s’échapper.L’hypothèse d’un sous-marin
La seule thèse qui tient la route est celle d’un sous-marin qui aurait crocheté le chalut et aurait entraîné le bateau par le fond. A cela, rien d’extraordinaire. J’ai référencé 42 accidents de ce type depuis 1945. Souvent, le sous-marin s’en rend compte (il est freiné) et les chaînes font du bruit) et remonte à la surface pour se dégager. Il est rare qu’il force le passage. Sauf s’il ne veut absolument pas se faire repérer. Généralement, cela se termine par une très grosse frayeur. Les marins du chalutier se voient faire du ski nautique et ils tentent de désolidariser le chalut du bateau pour éviter d’être emporté par le fond. Si le bateau coule, le sous-marin tente de récupérer les naufragés et assume le dédommagement de l’armateur et des familles si cela se termine par un drame humain. Enfin, c’est ce qui se passe dans le monde civilisé.Dans le cas présent, personne ne s’est déclaré coupable. Pourtant, on retrouve des traces de titane sur la fune bâbord (câble) du chalut. Et le titane est un des composants de la peinture des sous-marins (mais aussi de celle du chalutier). Bref, qui a pu faire le coup ? Le but n’est pas ici de refaire l’enquête, mais de présenter les différentes options.
Quelques heures après le naufrage, un communiqué de la préfecture maritime de l’Atlantique annonce que l’exercice militaire sous-marin Aswex 04 de l’OTAN avait lieu autour de la zone du naufrage.
Au sein de cet exercice, plusieurs sous-marins
- Le sous-marin néerlandais Dolfijn (Classe Walrus): Il a fait l’objet de réparations suspectes mais était à plus de 20 km du lieu de l’accident.
- Le sous-marin britannique HMS Turbulent (Classe Trafalgar) : Il aurait subi des réparations après l’exercice et se serait trouvé à plus de 50 km du naufrage selon les autorités (cette position n’est pas claire). La version officielle dit qu’il n’aurait pas été en mer le 15 (jour de l’accident), parti le matin du 16 puis rentré en avarie le soir même à Devonport. On trouve trace cependant d’un message entre le HMS Turbulent et le Rubis français le 15 janvier à 21h25. Ce message indiquait qu’il était en avarie et qu’il interrompait l’exercice prévu pour rentrer à terre. Une erreur de date selon les autorités françaises et anglaises qui datent le message trois jours plus tard.
- Un sous-marin allemand U22 (Type 206A) aurait été également à proximité.
- Le sous-marin nucléaire d’attaque britannique HMS Torbay (Classe Trafalgar).
- Deux sous-marins nucléaires d’attaque français (Rubis et Saphir). Selon les autorités françaises, le Rubis était au sud de la latitude de l’île de Sein et transitait vers la zone d’exercice.
- Le sous-marin nucléaire d’attaque américain USS Hyman G. Rickover (Classe Los Angeles) se serait également trouvé dans la zone du naufrage lors d’une mission d’observation discrète d’un transport de résidus nucléaires vitrifiés au départ du port de Cherbourg en direction du Japon. Selon les Américains, son bateau avait fait escale à Portsmouth puis effectué cette surveillance quatre jours après le naufrage.
On estime également que d’autres puissances étrangères auraient pu envoyer des sous-marins sur place pour espionner les manœuvres de l’OTAN. Et dans ce cas, on peut penser aux Russes, aux Chinois, à Israël, etc. Ça fait du monde !!! Le problème dans cette affaire est que même si les autorités françaises ont connaissance des positions des sous-marins « alliés » potentiellement impliqués dans l’affaire, elles ne peuvent les communiquer. Tous les échanges d’information confidentielle ou secrète sont basés sur des protocoles qui engagent les signataires. Et si d’aventure les autorités françaises s’aventuraient à diffuser de telles informations, elles se couperaient ipso facto de tout accès à ces informations stratégiques, non seulement de la part des pays dont elles obtiendraient des infos, mais aussi de la part de l’ensemble des pays de l’OTAN… Curieusement, aucune de ces « autorités amies » de l’OTAN n’admet être à l’origine des faits. Que seraient quelques millions d’euros d’indemnité en comparaison de la difficulté à garder un tel secret ?
Il est ainsi fort probable que l’on ne sache jamais qui a fait le coup, et ce, quels que soient les recours en justice qui resteraient à entreprendre. L’armée est une grande muette. Encore plus lorsque l’on parle de sous-marins…