Superstitions

Les marins, et en particulier les sous-mariniers, sont très superstitieux. On ne s’étendra pas sur l’animal à grandes oreilles ni la corde, qui sur un bateau ne sert qu’au suicidé (évènement heureusement rare mais survenu en février 1992 quand le commandant du K-335 (Akula II) est retrouvé pendu dans sa cabine).  En Grèce antique, pour se protéger d’un mauvais sort, pour provoquer la chance, un vent favorable, une navigation tranquille ou une pêche miraculeuse, on se vouait aux dieux. Parmi les divinités marines, Priape, dieu ithyphallique, était désigné comme l’un des protecteurs des marins. On n’hésitait donc pas à orner son bateau d’un phallus disproportionné et en érection. Heureusement, les choses ont évolué et Priape n’a pas voyagé en sous-marin.

Les sous-mariniers russes sont très superstitieux. Par conséquent, le meilleur cadeau pour eux sera un talisman fait de pierres semi-précieuses. Il est important que les pierres soient liées à l’élément marin (cristal de roche, malachite, l’ambre, aigue-marine). Les amulettes en métal sous la forme de poignards, d’ancres, de haches et de divers animaux marins sont très populaires parmi les sous-mariniers. On pense que de tels talismans protègent les marins des tempêtes et des attaques ennemies. Les marins ne se rasent pas avant la plongée, ne sortent pas en mer le vendredi 13. On pense qu’un numéro de série se terminant par un 9 porte malheur au sous-marin. Je me demande bien pourquoi… (K219, K19, K429, K159, K129, etc.).

En Russie également, les marins ne touchent pas aux oiseaux, en particulier les mouettes, car ils croient que le dieu de la mer leur transmet les âmes des camarades décédés. Pendant de nombreuses années, sortir en mer lundi, en particulier le 13, est resté un mauvais présage pour la flotte russe. Et les marins aux jambes arquées étaient toujours volontairement embauchés sur les navires, en particulier aux yeux multicolores – on croyait que cela portait chance.

La superstition était dans certains cas une loi invisible qui dictait les rythmes à bord et sauvait souvent la vie de certains bateaux. Un cas étonnant concerne le U-48. Son commandant allemand (Herbert Schultze) avait imaginé un incroyable rite à bord : l’itinéraire qu’il assignait à son barreur était toujours basé sur un multiple de sept, aucune exception n’était autorisée. Et lorsqu’un autre commandant a pris la barre, il a failli passer en cour martiale car, non informé de la coutume, il a essayé à tout prix d’imposer un itinéraire non conventionnel au timonier. Le U-48 a été l’un des rares sous-marins allemands à terminer la guerre.

Dans la sous-marinade norvégienne, c’est Solveig Krey, 1ère femme commandant d’un sous-marin qui en parle le mieux. Cette descendante des fiers et redoutables Vikings a conservé une part de superstition comme tous les sous-mariniers qui composent ce corps d’élite. Evitez de siffler à bord, le sifflement correspond à une fuite d’eau, tout comme d’embarquer avec des bottes en caoutchouc, ou un parapluie, qui évoquent l’eau et les voies d’eau. Les roses coupées sont également interdites. Surtout pas de sacs à dos, ce dernier représente un rocher, donc un écueil potentiel.

Il peut y avoir également des superstitions dans le nom donné aux sous-marins. En effet, dans beaucoup de marines, le nom d’un sous-marin se perpétue dès lors qu’un bateau est déclassé. C’est la raison pour laquelle on trouve plusieurs sous-marins avec le même nom. Mais parfois, on rompt la tradition. Comme en Turquie où on a décidé d’arrêter le donner le nom de « Dumlupinar » à un bateau. On a décidé en effet qu’avec deux naufrages en 1953 et 1976 sur deux bâtiments de ce nom, il fallait arrêter les dégâts.

Il y a aussi des superstitions inventées, comme celle qui dit qu’une femme sur un bateau, ça porte malheur ! Ses ruses pourraient jouer des tours aux marins. Et les légendes associent volontiers les monstres marins à des figures féminines, comme les sirènes par exemple. Il y aurait également un soupçon de jalousie entre les véritables épouses et les bateaux que l’on nomme « elle » et en lui donnant un nom féminin (La Doris, la Galathée, la Sisyphe, etc.) … Enfin, pour le marin, la femme symbolise la maison, la sécurité, alors qu’il est loin de chez lui. Elle est associée à la terre ferme et non à la mer. Transmises de générations en générations, ces idées ont créé un monde d’hommes… Et là, grande surprise chez nos voisins turcs où les sous-marins sont appelés « Karakız » (les filles noires).

Priape
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