AUSTRALIE
L’acquisition de douze nouveaux sous-marins co-construits (à l’origine) par Naval Group est révélateur des ambitions militaires et navales de l’Australie. Cette commande va doubler la capacité de sa flotte sous-marine et s’inscrit dans une stratégie de modernisation plus globale. Le revirement de situation en 2022 en est la confirmation.
Avec ses 25.000 km de côtes et une zone économique exclusive de six millions de km², l’Australie affiche des ambitions maritimes régionales, voire mondiales. En tant qu’État insulaire, l’Australie est naturellement dépendante de la mer, notamment d’un point de vue économique.
Pour sauvegarder ses intérêts, elle ne dispose pourtant que d’une armée réduite en comparaison avec ses voisins asiatiques, qui s’explique par sa faible population (environ 24 millions d’habitants). Dès lors, les contraintes et freins potentiels à sa politique maritime affichée sont non seulement budgétaires, mais également d’ordre humain. Le programme de modernisation de ses forces navales, représente en tout cas une chance pour les constructeurs européens. Au-delà du remplacement des six sous-marins classiques de la classe Collins par douze Shortfin Barracuda Block1A à propulsion conventionnelle, l’Australie entend en effet développer sa flotte de surface par l’acquisition de neuf nouvelles frégates et de trois destroyers lance-missiles de Type Hobart.
Après la récente mise en service des deux porte-hélicoptères d’assaut de Classe Canberra, la composante amphibie est également en plein renouveau et un remplacement des pétroliers-ravitailleurs est attendu dès 2021. Et pour assurer la protection de ses eaux et approches maritimes, une nouvelle classe de patrouilleurs hauturiers doit entrer en service à compter de 2018. La composante aéronautique navale n’est pas en reste, puisqu’un renforcement et un renouvellement des capacités maritimes de la Royal Australian Air Force est aussi planifié.
Troisième importateur d’armement de la région Asie Pacifique après l’Inde et la Chine, le budget alloué par le gouvernement australien à la défense a augmenté de 32 % depuis 2006. Le livre blanc sur la défense confirme cette évolution.
Cette augmentation du budget s’explique par la montée en puissance des marines asiatiques et le contexte de « course à l’armement » que connaît la région : en 2020, la Chine disposera de près de 70 sous-marins et la région Asie-Pacifique comptera à elle seule la moitié des sous-marins et aéronefs de combat opérationnels dans le monde. Face à la menace potentielle que cette évolution pourrait représenter, l’Australie affiche des ambitions navales et militaires concrètes. Loin de s’isoler, elle renforce ses capacités et développe sa coopération avec d’autres États. Proche alliée de l’OTAN depuis 2005, elle a d’ailleurs présenté un projet d’adhésion en 2014. Partenaire historique de Washington, Canberra esquisse également une coopération de plus en plus étroite avec Tokyo et New Delhi pour faire face à des prétentions chinoises de plus en plus marquées. Elle coopère enfin avec la France, notamment pour assurer une surveillance commune des pêches de leurs zones économiques exclusives australes.
Historiquement, la marine royale australienne disposait depuis les années 1990 de six sous-marins anaérobies de la classe Collins. En 2009, la marine avoue manquer de personnel qualifié et seul trois pouvaient réellement être envoyés en mission. Le remplacement de la classe Collins était prévu pour 2025 (mais dans les faits, il faudra attendre 2034 pour que cela se concrétise). Dans le cadre du renforcement de ses forces navales, le pays souhaitait acquérir douze nouveaux bâtiments jusqu’à ce que le 26 avril 2016, l’Australie annonce avoir choisi les sous-marins français du programme Barracuda.
Le coup fatal fut porté le 15 septembre 2021 quand l’Australie annonça qu’elle cassait le contrat au profit du Projet AuKus fomenté par les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Une rupture considérée comme une trahison alors que le jour même de l’annonce, les industriels australiens écrivaient leur satisfaction sur le projet. Ce Projet (qui sera mis à l’étude pendant 18 mois) consistera à fournir à l’Australie huit sous-marins à propulsion nucléaire. Une nouvelle alliance pour contrer les velléités de la Chine.
L’Australie aura versé à Naval Group 555 millions d’euros au titre des pénalités. Mais le plus grave n’est pas là. Les Etats-Unis ont un déficit de capacité et n’ont pas la capacité de construire de nouvelles unités pour l’Australie, préférant privilégier le renouvellement de sa propre flotte. Les Anglais ont également d’autres chats à fouetter et leur outil de production se concentre sur la nouvelle Classe Dreadnought (SSBN). Quand à l’idée de pouvoir être en capacité de construire ces 8 sous-marins à propulsion nucléaire en Australie, l’outil de production n’est pas en place et les compétences inexistantes. La solution est donc trouvée et annoncée en mars 2023 avec la construction de la nouvelle Classe Aukus qui équipera également le Royaume Uni. En attendant la livraison de ces nouvelles unités, l’Australie annonce acheter entre 3 et 5 Virginia de l’Oncle Sam.