La santé à bord des sous-marins

Mise à jour 15 novembre 2025

Il y a bien longtemps que je me disais que je n’avais pas traité cette partie essentielle. N’étant ni sous-marinier ni médecin (me limitant à vacciner contre la grippe ma petite famille), je ne trouvais pas la légitimité de me lancer dans l’aventure. Pourtant, des rappels insinueux faisaient de plus en plus souvent à la lecture d’anecdotes ou de photographies prises à bord.
 
Dernièrement, j’ai publié un article sur les traumatismes des sous-mariners victimes d’accidents ou supportant mal l’isolement à bord, mais la partie physiologique restait absente. Je m’y lance aujourd’hui car j’ai repéré une publication américaine traitant des toxines présentes à bord des sous-marins. Je ne pouvais donc y échapper.

Le Service de santé des forces sous-marines – Etat des lieux, bilan et perspectives

C. LAFFERRERIE, F. LABARTHE, X. CASTAGNET, H. DE CARBONNIÈRES

Le Service de santé des armées est présent à bord des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de nouvelle génération et des six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).

L’activité est variée et très spécifique :
  • Surveillance d’un équipage évoluant dans un milieu industriel,
  • Suivi de la qualité de l’atmosphère,
  • Surveillance vis-à-vis des risques radiologiques.

Sur SNLE, le médecin bénéficie d’une formation de dix-huit mois consacrée à la radioprotection et à l’acquisition de techniques chirurgicales. Il est assisté d’un infirmier anesthésiste et d’un infirmier compétent en dosimétrie, aide instrumentiste et manipulateur radio. À bord des SNA, l’équipage est surveillé par un infirmier qui doit parfois mener seul l’interrogatoire médical, procéder à l’examen clinique et mettre en place une thérapeutique adaptée. La formation et l’équipement des équipes médicales embarquées permettent une large autonomie en matière diagnostic et thérapeutique. Une évacuation sanitaire constitue une indiscrétion majeure et doit être exceptionnelle. Seules 3,6 % des patrouilles opérationnelles de SNLE ont été interrompues pour une raison médicale, ce qui conforte les choix faits en matière de médicalisation et de formation du personnel de santé embarqué.

Des anciens combattants de la marine réclament une meilleure couverture santé et des études sur les toxines présentes dans l’environnement clos d’un sous-marin.

Par LINDA F. HERSEY STARS AND STRIPES • 13 novembre 2025
Source
Une coalition d’anciens combattants de la Marine demande l’élargissement des prestations de santé et d’invalidité pour les expositions toxiques liées aux gaz, aux produits chimiques et aux contaminants biologiques à bord des sous-marins.
 
L’association à but non lucratif Submariners’ Advocacy Group fait également pression sur la Marine pour qu’elle publie les conclusions d’études atmosphériques approfondies menées il y a plus de 20 ans sur les environnements clos des sous-marins, études qui restent classifiées. David Bozarth, président du Submariners’ Advocacy Group, a déclaré que son organisation avait recensé plus de 150 toxines auxquelles les marins pouvaient être exposés à bord des sous-marins. Bozarth a servi à bord de sous-marins comme technicien de contrôle de tir de missiles balistiques de 1978 à 1984. La coalition a publié ses conclusions dans un rapport de 60 pages remis samedi à l’association US Submarine Veterans Inc., qui représente le personnel actif, retraité et vétéran. Des exemplaires du rapport ont été envoyés cette semaine au Pentagone et au Département des affaires des anciens combattants.
 
Le rapport, intitulé « Le fardeau invisible : expositions toxiques et impacts sur la santé des sous-mariniers américains », met en évidence les conséquences à long terme de l’exposition à des produits chimiques, des gaz et des rayonnements ionisants « propres au service sous-marin ».

Le médecin de papier 

Source : Les sous-marin Flore et son Musée

A bord des sous-marins classiques, comme le sous-marin Flore, la présence de l’infirmier n’est pas systématique. Surnommé la  « seringue » ou le « sorcier » par les sous-mariniers, il les accompagne en de rares occasions, en fonction de la mission du sous-marin. C’est pourquoi, en son absence, en cas de blessures ou maladies, le commandant en second se réfère au « médecin de papier ». Il s’agit d’un livre de 64 pages dont le titre officiel est en fait : Notice médicale destinée à servir de guide aux officiers des sous-marins dépourvus de médecin.

Un livre de 64 pages auquel se référer en l’absence de médecin à bord

Ce manuel indique la marche à suivre selon les situations médicales, en cas de brûlures ou de maux d’oreilles par exemple.

Les médicaments conseillés par l’ouvrage se trouveront dans l’un des quatre coffres à pharmacie du sous-marin Flore. Des actes chirurgicaux légers sont également détaillés, mais dans le cas où une opération serait requise, il est inscrit « cet acte est de la compétence du médecin ». En effet, si le commandant en second a suivi un stage dans une structure médicalisée, il n’est pas formé pour intervenir dans toutes les situations. En cas de doute, il ne jouera pas aux apprentis sorciers et devra « demander consultation radio ». Il ne faut pas oublier que sur un sous-marin, chaque petit souci de santé peut se retrouver nettement amplifié : une coupure ou une brûlure peut gravement s’infecter en raison de l’insalubrité de l’air du bord où se dégagent les vapeurs des machines. Le médecin de papier donne également des conseils sur l’hygiène, la conservation des vivres ou encore la désinfection des locaux…

Une prémière version rédigée en 1766

Si le sous-marin Flore a navigué entre 1964 et 1989, le médecin de papier est en fait bien plus ancien puisque la première version aurait été rédigée en 1766 par Mauran de Marseille, docteur en médecine et ancien chirurgien-navigant. On retrouve ce type de manuel à bord des navires au long-cours des cap-horniers ayant navigué entre le milieu du XIXème siècle et le début du XXème siècle. En l’absence du médecin, le capitaine du navire était responsable de la santé de ses hommes. Les remèdes étaient alors bien différents : la teinture de cannelle était prescrite aux marins ayant séjourné dans l’eau glaciale, et l’eau de clous rouillés en cas d’anémie…

Le médecin de papier n’a cessé d’être régulièrement mis à jour au fil des années et des avancées médicales et pharmaceutiques. C’est le cas du médecin de papier exposé en vitrine au Sous-Marin Flore et son musée, dans lequel des conseils ont été rajoutés à la main afin de conseiller un médicament supplémentaire ou ajouter un geste à la procédure décrite.

Son nom aujourd’hui : Guide médical international de bord

De nos jours, le médecin de papier se fait rare en raison de l’apparition des télécommunications radio-maritimes, qui permettent d’établir le contact avec un médecin dans les situations délicates. Il n’a pas pour autant disparu, il a pris le nom de Guide médical international de bord et reste obligatoire sur les navires de plaisance selon leur éloignement des côtes. Il renseigne toujours sur les gestes médicaux, l’hygiène ou la prévention des maladies.

En ce qui concerne les sous-marins actuels, chaque patrouille de Sous-Marins Nucléaires Lanceurs d’Engins se fait en présence d’un médecin, secondé d’un infirmier. En revanche, sur les Sous-Marins Nucléaires d’Attaque, si un infirmier est systématiquement embarqué, un médecin accompagnera l’équipage uniquement s’il est envoyé en mission dans une zone isolée, sans soutien médical à proximité.

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